mardi 20 avril 2010

Ecrire à Butembo - Page de couverture

Didier de Lannoy

alias « Vieux ba Diamba »


Ecrire à Butembo

« On m’envoie écrire ailleurs ! Ici, je dérange trop peut-être ? »


Compte-rendu en musique d’un voyage dans le temps, à Kinshasa

Suivi d’un conte ampliatif, pas du tout pour enfants, « La princesse et le chasseur »




Ces textes ont été écrits à Kinshasa, entre* le 23 novembre 2007 et le 11 janvier 2008

pour et/ou avec le concours, notamment, involontaire ou complice, de (dans l’ordre alphabétique des « prénoms », comme il se doit) :

Abdou Maliq

Anastase Nzeza Bilakila, alias « Ya Nze »

Anaya

Bibish Mumbu

Cédric

César Lumbu, alias « Qui Saura »

Citronnelle

Clément Ndjoli Junior, alias « NCJ »

Filip De Boeck

In Koli Jean Bofane, alias « Fossoyeur Jones »

Jean-Pierre Kabeya Nyonga

Muka, alias « Petite Chérie », alias « Tantine Betena », alias « Motema Magique »

et notre fille cadette, Nadine, alias « Gododo », alias « Petit Bal », alias « Mère Courage »



* J'y retournerai un an plus tard. Cliquez sur :http://anaco3.over-blog.net/
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et http://anaco2.blogspot.com/

Ecrire à Butembo - Chapitre 1 - Un projet très vague et encore bien incertain - Solola bien !

Didier de Lannoy
Butembo !
sous-titré On m’envoie écrire ailleurs ! Ici, je dérange trop ? compte-rendu en musique d’un voyage dans le temps, à Kinshasa, 23 novembre 2007 - 11 janvier 2008*

Extraits

*J'y retournerai un an plus tard. Cliquez sur :http://anaco3.over-blog.net/
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Un projet très vague et encore bien incertain

Solola bien !


Filip De Boeck, retour de New York, me dit


Ça se passait en novembre 2007, à la maison, au 21, rue Maes, à Ixelles.

- Qu’est-ce qu’on fêtait ? Un deuil, les fiançailles de Wied et Angel, un retour à la case départ ?

- Je ne sais plus !

On fêtait je ne sais plus quoi et ça se passait en présence de Mama Luta (la maman de Malou, de Cricri, de Jean, de Nénette et d’un autre frère dont j’ai oublié le nom), de Maman Sophie (la copine de Mama Luta), de Maman Azanga (la mère de Katikia, de Mamitchou, de Nalini et de Kelo), de Freddy Tsimba

- Oui, en présence de pas mal de gens, mais Filip m’a pris sur le côté et personne n’a rien entendu…

d’Alain Brezault et de Françoise De Moor. Et d’autres personnes

- JP Kabeya ?

- Très probablement ! Mais je ne vois plus qui encore…

aussi.


que Maliq

- Le rappeur congolais ? Abd el Maliq ?

- Meuuunon… L’autre !

et d’autres personnes que je ne connais pas, sont en train de monter un « projet » portant sur différentes petites villes d’Afrique. Au Sénégal, au Ghana et au Congo (RDC). Pour le Congo, la ville retenue est Butembo. Ce projet comporte un volet « écriture » et

- Ça te plairait ?

Filip me fait la proposition d’écrire, pendant six mois

- Quoi ça, où ça, quand ça ?

- Du calme ! Rien ne presse ! J’ai seulement donné ton nom à Maliq ! Tout reste encore à faire, rien n’est encore conclu!

à Butembo.

- Sur Butembo ?

- A Butembo !

- Et pourquoi tu ne demanderais pas ça à Bibish Mumbu ?

- J’ai pensé à elle… mais Maliq et ses amis préfèrent prendre quelqu’un qui n’est pas du pays… Ils pensent que ce serait mieux…

- Même quelqu’un de la tribu des Bulankos ?

- Pourquoi pas !

- Même un moins jeune ?

- Même un Vié !

- Accepte, accepte ! s’emballe aussitôt Ana


Ana, alias « Tantine Betena », alias « Motema Magique », alias « Petite chérie », alias Muka

- Pourquoi Muka ?

- C’est ainsi que nos kokos l’appellent ! Et c’est ainsi que je l’appellerai désormais, dans la suite de mon texte… Et moi, je serai « Papa Didier » ou « Vié », sauf pour les gens de ma génération qui ont, depuis toujours, pris l’habitude de m’appeler « Didier » et sauf pour Muka qui continuera de m’appeler « douchka »

n’a vraiment pas du tout envie de venir me voir, une fois par semaine, à l’hôpital Brugmann (bâtiment M, unité 82) ou dans

- Le home Van Aa.

une maison de repos et de soins de la chaussée de Boendael… ni de changer les couches-culottes du vieux pépé, ni de le promener en chaise roulante, sous une petite pluie fine et froide ou dans la boue, grasse de toute la merde et de toute la pisse de tous les cadors et de tous les cabots et de tous les cerbères et de tous les toutous de tous les bourgeois de tout le quartier, le long des étangs d’Ixelles, au fond duquel hiberne, dit-on, un crocodile affamé (mais détestant, semble-t-il, la chair desséchée des vieillard cacochymes et bilieux, propriétaires

- Mais non, douchka, qu’est-ce que tu crois ? Ceux-là se sont installés en Espagne ou dans les Antilles ou sur la Côte d’Azur ! Pas dans les seniories d’Ixelles !

de la dette publique de l’Etat belge et de la dette extérieure de nombreux autres pays… et ne supportant pas non plus la viande aseptisée des chiens de compagnie, péteux, endimanchés, parfumés et bichonnés comme des cocottes), depuis déjà quelques mois, attendant

- Okozela trop, Papa !

le retour du beau temps… des jolies filles, des décolletés et des minijupes…


à qui Filip propose aussi (Maliq lui-même

- Comme interface, Muka serait parfaite ! Encore faudrait-il qu’elle se mette sérieusement à l’informatique...

en aurait eu l’idée) d’assurer la coordination générale du projet, pendant trois ans, à Cape Town.

- Dois-je céder à la pression de la rue, petite chérie ? Veux-tu vraiment je meure sur la bête ? En éjaculant ?

- Pourquoi pas ?

- Mais Butembo, petite chérie, c’est un tout autre monde… Presque un autre pays… Et ce seront nécessairement d’autres amis… Il faudra se lever tôt et se coucher tard, sociabiliser, faire le plein de connaissances, rencontrer l’évêque du diocèse de Butembo-Beni, l’administrateur du territoire de Beni, le chef du « centre » de Butembo (ou le maire de la ville ?), le commandant militaire de la place, le chef de la police du ressort et le responsable local de l’Agence Nationale de Renseignements (ANR) qui tous se demanderont ce que « Flamand » est bien venu faire ici… ce que je suis venu espionner et pour quel gouvernement américain ou chinois ou quelle église du réveil ou du somnifère ou quelle compagnie minière ou pétrolière, je travaille), se taper des connards et découvrir des gens chouettes, manger beaucoup, boire trop, « vivre » de nombreux faits divers, entendre des potins, lancer des rumeurs, recueillir des confidences de femmes libres et de soldats ivres… Rencontrer « ceux de Butembo », les apprivoiser, ne pas trop leur déplaire… En seulement six mois ! De toutes pièces, sans séminaire de formation, ni période probatoire ! C’est beaucoup me demander, non ?

- Ne t’en fais pas trop, douchka ! Il y a sûrement plein de canards boiteux et de chiens écrasés dans ce bled-là aussi ! Comme partout ailleurs ! Et de la bière aussi ! Et des cigarettes aussi ! Et des bistrots, des ngandas, des buvettes ou des terrasses aussi ! A profusion ! C’est ta spécialité, non ? Je suis sûre que tu t’en sortiras très bien !

- A Butembo, les draps de lit sont-ils râpeux ? Et les moustiques affamés et pervers ? Et les murs criblés de balles ? Y a-t-il des chauves-souris à Butembo ? Les chasse-t-on avec un signe de la croix ou à l’aide d’un filet à papillons ? Les mange-t-on ou les vénère-t-on ? Et les matelas, dans les petits hôtels de Butembo, sont-ils bien affinés, sanglants, pisseux, imprégnés d’histoires de cœur et de foutre ? Quelles odeurs de cuisine inhale-t-on à Butembo ? Y mange-t-on du manioc doux et de l’igname? Et des makemba grillées, des lituma, des épis de maïs (frits ou bouillis) et des mbala sukali ? Ou des bisamunyu comme à l’hôtel Salama de Bandalungwa ? Avec du pili-pili ? Y prépare-t-on du mfumbwa ? Y fabrique-t-on du lotoko ? Y trouve-t-on du tangawisi ? Les jeunes femmes de Butembo portent-elles (avec ou sans calbar ?) le pagne, la robe ou le pantalon ? Quel est le lingala préféré des gens de Butembo ?

- Tu verras ça sur place, douchka !

- Mais je ne sais rien de Butembo, petite chérie. Et je n’y connais personne. Ça m’effraie, ça m’angoisse…Je ne sais même pas quelles sont les principales marques de cervoise qui y sont distribuées !

- Excellent ! Comme ça tu auras plein de choses à apprendre, plein de nouvelles bières (venant peut-être de Kampala, de Nairobi ou de Canton) à essayer et plein de gens à découvrir ! Tu pourras même inventer des lieux et les personnages qui s’y produisent ! Et les boissons qui les arrosent ! On peut te faire confiance pour ça ! Et personne ne pourra jamais te contredire !

- OK ! J’accepte Butembo si tu acceptes Cape Town !

- D’accord, douchka ! Tope là !

- Viendras-tu me voir à Butembo, petite chérie ? Faudra-t-il que je te rende (cette « taxe d’accompagnement » dans tel ou tel hôtel de Beni, c’est quoi ça, douchka, tu peux bien m’expliquer ? et cesse de me prendre pour une idiote !) des comptes ?

Si le projet démarre et que ma candidature est retenue, je devrai, sans doute passer par Cape Town. Etape obligatoire avant d’atterrir à Butembo...

Mais si je commençais plutôt par Kinshasa, la référence, la ville-province, la capitale ?

- Y a-t-il une rue ou une avenue Butembo à Kinshasa ? Poussiéreuse ou goudronneuse ? Dans quelle commune, dans quel quartier ?

Peut-on donc transiter par Kinshasa

- Y faire quelques adieux, distribuer quelques bonjours, embrasser ma deuxième fille (Nadine, alias « Mamounet », alias « Mima ») et mes trois kokos (Sukina, Kako et Tensia) néo-kinois, apprendre à vivre avec eux, lire à Tensia


Certains sont carrément immoraux.

Dans l’un d’eux, un jeune et joli chasseur (après avoir vaincu un infâme griffon, un être effroyable au corps de lion, avec trois têtes d’aigle crachant du feu et avoir ainsi débarrassé le royaume du monstre qui le terrorisait) épouse

- Comment tu t’appelles, Princesse ?

- Citronnelle ! Je suis la princesse Citronnelle, la fille préférée du Roi, mon Père !

une jeune et jolie princesse célibataire (qui, sans l’intervention de ce vert et séduisant chasseur, aurait été livrée à l’horrible animal, hachée menu, grillée et dévorée par chacune des trois ignobles gueules de la bête hideuse) et, le soir même de ses noces (alors même que les deux amoureux s’apprêtaient à entamer une longue et sublime nuit de bonheur conjugal), ne voilà-t-il pas que le chasseur aperçoit

- Oh, la vision de rêve ! Oh, l’apparition mariale !

par la fenêtre de la chambre à coucher matrimoniale, une magnifique biche blanche et …

- Attendez-moi, Princesse, j’arrive !

se rajuste en vitesse et part seul dans la forêt, avec besace et tromblon, à la poursuite de ce gibier exceptionnel et…

Objection de conscience ? Désertion devant l’ennemi ? Abandon de poste ?

Refus d’assumer sa destinée ? Irresponsabilité sociale ?

Abracadabrance ?

Vésanie ?

se fait changer en pierre par une redoutable sorcière, gardienne de la forêt et protectrice des êtres et des animaux qui l’habitent…

Heureusement, l’histoire1 ne s’arrête pas là et se termine bien pour le chasseur. La sorcière accepte de lui rendre la vie. Et sa douce et tendre épouse se montre disposée à lui pardonner ses erreurs de jeunesse…


des contes qu’elle connaît déjà par cœur (elle me surveille de près… contrôle le déroulement et l’enchaînement des séquences, m’annonce la suite des évènements, me sonde, me met à l’épreuve et me tient à l’oeil, me flique et vérifie si je ne zappe pas certaines scènes ou si je ne déforme pas, carrément, certains épisodes…)

pour aller à Butembo ? Est-ce permis ? Est-ce possible ? Quels sont les termes de référence du projet ?

Muka, alias « Tantine Betena », alias « Motema Magique », parvient à vendre quelques tableaux et m’offre

- Sans toi, petite chérie ?

- Sans moi, douchka !

un billet d’avion pour Kinshasa. J’envoie aussitôt un message à différents (très anciens et plus récents) amis kinois pour leur annoncer mon arrivée prochaine. Je remercie ceux qui m’ont répondu et

- Et les autres, douchka ?

- Les autres, je ne les embêterai pas ! Je m’y engage !

- Parano, va !

promet de les recontacter et de leur communiquer un numéro de téléphone aussitôt que je serai sur place.

1 Pour plus de détails, on se référera au conte ampliatif, pas du tout pour enfants, « La princesse et le chasseur »



Ecritre à Butembo - Chapitre 2 - Arrivage à Kinshasa - Okoningana !

Didier de Lannoy

Butembo !
sous-titré On m’envoie écrire ailleurs ! Ici, je dérange trop ? compte-rendu en musique d’un voyage dans le temps, à Kinshasa, 23 novembre 2007 - 11 janvier 2008
*
Extraits

*J'y retournerai un an plus tard. Cliquez sur :http://anaco3.over-blog.net/
Sur l'agence AnaCo, voir aussi: http://anaco1.blogspot.com/
et http://anaco2.blogspot.com/




Arrivage à Kinshasa

Okoningana !


On atterrit.

Ça va bouger ! Ça va chauffer ! Kinshasa moto… moto !

- Comment dit-on « bonjour » avec beaucoup de respect en lingala, petite chérie ?

- Losako !

Mon ami de toujours (et « toujours » date d’octobre 1964, ce qui n’est pas rien) Anastase Nzeza Bilakila, alias « Ya Nze », la seconde de mes deux grandes filles, Nadine, alias « Gododo », alias « Petit Bal », et ma petite-fille Tensia m’attendent à l’aéroport. Et un parent de Marc, le papa de mes petits-enfants, qui me prend en charge au pied même de la passerelle (il travaille à la Régie des Voies Aériennes, ça aide !)… Et Ndjoli-Clément Junior (NCJ), fils et photocopie de mon ex-beau-frère, « Antilope », qui, ce soir, conduit la voiture de Nadine, sa cousine.

Et je rencontre aussi

- Avec plaisir, évidemment ! Mais mon séjour à Kinshasa est déjà moins secret !

patientant au salon d’honneur, le professeur Sabakinu, l’ami de Filip, venu chercher son fils, Guy, de retour

- En vacances ou définitivement ?

au pays, après de nombreuses années passées en Europe.

Boulevard Lumumba. Routes des

- Un raccourci peut-être ? Le chemin le plus rapide pour se rendre à Butembo sans se faire rançonner par l’un ou l’autre des « groupes armés » qui insécurisent la région du Nord-Kivu?

Poids lourds. Traversée des rails à gué (à gauche). A la hauteur de la Quatorzième Rue. Parcelle-entrepôt de la Monuc

- Les Nations-Unies doivent-elles se protéger de la population kinoise derrière des miradors (équipés de projecteurs et de mitrailleuses ?) et de très hauts murs surmontés de doubles rouleaux de fils de fer barbelés ?

Place commerciale de Limete. Croisement Université. Yolo-Nord (à gauche). Croisement Kimwenza. Avenue Bongolo. Cité

- Eh là, une « terrasse », très animée ! Il faudra que je passe voir, un de ces jours !

Kauka (à droite). Université Simon Kimbangu (à droite). Rivière Kalamu. Hôtel-bateau (à droite). Quartier Kimbangu (à gauche). Avenue Kasavubu. Croisement Gambela. Croisement Assosa. Ngiri-Ngiri. Croisement Birmanie. Atelier de Chéri Samba. Croisement Saïo. UPAK (à gauche). Rond-pont avenue Kasa-Vubu et avenue de la Libération (ex-24 Novembre). Bandalungwa

- Rendez-vous au Bloc de Bandal, mais pas avant le 6 décembre ! m’avait fixé, par e-mail, Bibish Mumbu…

- J’y suis, j’y suis presque, j’y arrive. Deux semaines à l’avance. J’aurai tout le temps d’effectuer des repérages (m’enquérir du prix de la bière et des brochettes et, prostate oblige, localiser les toilettes) pour qu’on ne m’y prenne pas pour un plouc ardennais ! Ou pire encore, semble-t-il, pour un « Monuc » !

Kinshasa. Des avenues et des rues très

- Comme dans certains quartiers de Bruxelles !

dégradées, de très grands

- Comme à l’entrée, à la sortie et tout autour de Paris !

embouteillages du matin et du soir et

- Et même des embouteillages de piétons le long des grands axes et près des « parkings », terminus de taxibus ! Sur le boulevard Lumumba que les « travailleurs » empruntent tous les matins, dès l’aube, pour partir à l’assaut dans la ville… Dans toutes les rues qui permettent d’accéder au marché central (encombrées, par ailleurs, de pousse-pousse, de vélos, de camions et de chariots)… A l’arrêt Pascal, au Rond-Point Ngaba, à Kintambo-Magasin, devant La Crèche et sur Ikelemba, à l’arrêt UPN, sur Kato! Un peu partout ! Embouteillages ya batu na ya mituka !

de fréquents délestages et

- Il suffit de s’y habituer ! Appliquer quelques règles élémentaires de survie…

- Lesquelles, par exemple, douchka ?

- Si vous avez oublié de recharger votre portable, veillez (ça va de soi !) à économiser vos unités ! Faites l’amour à la lampe à pétrole ou pendant la journée ! N’ouvrez pas inutilement la porte du congélateur, les cadavres qui s’y trouvent enfermés pourraient prendre un sacré coup de chaleur !

aussi

- Même chez les gens « bien », petite chérie, il y a une « catine » à côté de la cuvette des chiottes !

de très sérieux problèmes d’alimentation en eau. Les infrastructures de base laissent beaucoup à désirer…

Kinshasa, j’y entre tout doucement. Comme on entre dans la mer. Ou dans une piscine… quand il y a de l’eau et qu’elle est bien remplie. Je commence par la petite

- Trop prudemment, douchka ?

- Avec respect, petite chérie ! Losako ! Et, peut-être, une certaine forme de timidité… ou d’humilité !

profondeur, là où j’ai pied. Mise en place progressive avant l’arrivée de la marée et des mamiwatas. Je ne plonge pas directement dans le lac ou la rivière lorsque je n’en connais pas la profondeur exacte… Et je vérifie d’abord si des crocodiles affamés (des esprits nuisibles, jaloux et malfaisants qui se seraient transformés en crocodiles et essayeraient de se faire passer pour des grumes inoffensives, amputées de tous leurs membres, flottant benoîtement à la surface de l’eau) n’y sont pas à l’affût…

Le Kinshasa du nouvel âge est aussi une ville d’arrivages.

ArRivages de toutes sortes de gens et de produits, douteux ou périmés, qui se jettent ou se déversent sur le pays et dont le Congo devrait, tôt ou tard, pouvoir se débarrasser.

Arrivage d’hommes d’affaires opportunistes et suborneurs, d’humanitaires voyeurs et donneurs de leçons, de pillards racistes et flagorneurs, de « développeurs » professionnels, cyniques et désinvoltes, qui sont

- « Le Congo, mon pays » ?

- Jamais !

ici comme ils pourraient être partout ailleurs

- Attention, chiens méchants ! Danger de mort entre 21h et 6h30 du matin, clôture électrique !

dans le monde et ne partagent pas le destin d’un pays dont ils se nourrissent épaissement…

Arrivage de « produits de première nécessité » : cartons de mpiodis, cartons de poulets surgelés en provenance de Belgique (de marque « Wilki », évidemment !) et même

- Du poulet halal, petite chérie ! Garanti ! Supervision of the Islamic Center in Brazil for the followers of Ahlul Bait (A.S.) – Sao Paulo – Eminence Sheik Taleb Hussein Al-Khazrafi

du Brésil ou encore

- De Chine aussi, douchka ?

- Je ne sais pas… Mais si tel n’est pas encore le cas, ça ne saurait tarder !

d’ailleurs…

Arrivage de cartons de poisson

- Product of Norway !

séché, « Makayabu ya goût » et

- Product of Belgium !

d’un retraité de l’ « Administration Générale de la Coopération au Développement », en sigle AGCD, et membre du Service juridique et directeur de la formation de la Régie des Bâtiments, venu rendre visite à sa fille Nadine, alias « Mère Courage », présidente

- Président sectionnaire, quoi !

de la section kinoise de la branche congolaise de la famille, en sigle BCF ou Bracofa, et à trois de ses kokos... Et retrouver tant de vieux amis…

- C’est tout, douchka ?

- Ecrire aussi, à Kinshasa, petite chérie… Et, ce faisant, tenter de faire honneur à Huit Mulongo Kalonda Ba Mpeta qui m’avait demandé, en octobre de cette année, à la Maison du Livre (il faut tout de même dire que j’y étais encadré de très près par deux cautions de poids : In Koli Jean Bofane, alias « Fossoyeur Jones » et la vedette du jour, Bibish Mumbu), si je me définissais comme un écrivain congolais d’origine belge ou comme un écrivain belge d’inspiration congolaise… Je lui avais répondu que je préférais être un écrivain congolais d’origine belge… Encore fallait-il, avais-je ajouté, que je sois « adoubé »… Et Jean-Claude Kangomba, Mulongo Kalonda et Yoka Lye Mudaba de s’écrier en choeur « Adoubé ! Adoubé ! Adoubé !». Mais André Yoka, goguenard comme toujours, de reprendre aussitôt la parole : « Adoubé, d’accord, mais qu’est-ce que ça veut dire exactement, qu’est-ce que ça implique, à quoi le Congo s’engage-t-il ? »

Mon propre arrivage, quoi !

Et, à peine arrivé, je suis confronté

- Je ne retrouve plus les cure-dents (en « plume d’oie » en plastique) que j’avais soigneusement placé dans mes bagages, petite chérie… pour pouvoir enlever les débris d’os de ntaba coincés entre mes molaires… sans me péter les plombages, « agglomérés » et autres « reconstitutions » ! Que vais-je devenir ?

à un problème grave…

Je ne m’éclaire pas au café, je ne griffonne pas à la bougie.

Mais dès qu’il y a du courant, quelle que soit l’heure, serait-il une heure vingt-deux minutes et trente-trois secondes du matin, je me réveille, je me lève, je me pose le cul sur une chaise et j’allume mon PC. Et je

- Je prends de l’avance, petite chérie, sait-on jamais. Ofele ! Le projet de Maliq n’aboutira sans doute jamais…

commence

- Et quand il y a délestage, douchka ?

- C’est le moment de sortir, d’aller voir ailleurs, d’aller « chercher des histoires » aux gens ou chez les gens, de retrouver de vieux copains et de boire de la Skol ou de la Primus, à une « terrasse », non ?

- Une terrasse ?

- Ben oui, on ne dit plus tellement nganda maintenant, on dit plutôt terrasse !

- Et les nganda, alors ?

- Ça existe toujours et ça se dit encore… Mais ça désigne plutôt, me dit-on, un local couvert…ou même, quelquefois, une fumerie de chanvre (on fume en groupe, avec les militaires et les policiers, on fait circuler la tige), un repaire d’adeptes du diamba…

à écrire sur (en attendant d’y être) Butembo et

- Qu’est-ce que les gens boivent là-bas, douchka ?

- Est-ce que ngai nayebi ? Internet est « en panne » ! Même pas moyen de faire un Google sur Butembo !

quand je me verse du café dans le cendrier, c’est qu’il est temps de me recoucher…

J’ai déjà écrit un peu partout

à Nassogne, dans la province du Luxembourg, entre Marche-en-Famenne et Saint-Hubert, pas loin de Marloie, de Jemelle et de Rochefort, en Belgique

à La Plante, à Euskirchen, à Rösrath, à Saint-Josse, à Tanger, à Leuven, à Biskra, à Mbanza Mboma, à Yolo-Nord, au quartier artisanal de la commune (ou la « zone », comme on disait à l’époque) de Kasa-Vubu, à la Gombe, à Belize, à Itaparica, à La Villette, à Moscou, à Calcutta, à Pezens, à Lagos Island, à Manhattan, à Bè Klikamé et à Aflao-Gakli, à San Francisco, à Ixelles, à Binza-Ma Campagne, à L’Eliana et même à Ibiza

à Nassogne, dans la préfecture de l’Avé, canton de Badja, sur la route de Kpalime, peu avant Keve et Assanhoun, au Togo…

Et voilà, à présent, qu’on me propose d’écrire à Butembo. Dans un ou deux ans. En 2009…

On m’envoie toujours écrire ailleurs. Ici, je dérange trop, peut-être ? Je fais sans doute chier

- J’aurais une trop sale bouche, petite chérie ? Tant pis pour vous, personne ne me la lavera !

- Moi, oui ! Avec du savon de Marseille et de l’eau de Javel ! Et du Baygon et de l’huile de ricin !

- Ou je la ferme ou je déparle, qu’est-ce que tu préfères, petite chérie ?

- Tais-toi, douchka ! C’est dans notre intérêt à tous !

tout le monde ?

Je me demande si

- Dans un ou deux ans, j’aurai soixante-dix ans, petite chérie !

- Septante, douchka ! Soixante-dix, c’est du mobutisme ! Les temps ont changé, douchka. Il faudra bien que tu t’y habitues !

je serai encore

- Athusser me guette !

- Alzheimer, Ducon !

à la hauteur ou

- Tiendrai-je le coup ? Mon pancréas, mes intestins, ma prostate et mes reins auront-ils la patience d’attendre ?

- Et le cœur, ça va ?

- Ça roule !

- Et le foie ?

- Aussi… Mais, dis-moi, petite chérie de quoi meurt-on le mieux quand on a trop de tension ?

- D’hypocondrie et de paranoïa, Ducon !

toujours en vie, dans un ou deux ans.

C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de commencer le boulot maintenant. Et de prendre ainsi un peu d’avance. Et, à supposer que le projet de Maliq ne se concrétise pas, j’aurai quand même écrit

- Et comment tu vas l’intituler ton truc, « Kinshasa » ?

un texte sur Butembo, non ? Sans même y avoir mis les pieds, eh !

Six heures du matin. Muka

- Comment ça se passe à Kin, douchka ?

- Et à Bruxelles, petite chérie, les Flamands et les Wallons, ça se chamaille toujours ? Ça continue de s’envoyer des vannes ? Il n’y a toujours pas de gouvernement ?

me téléphone. Elle revient d’un matanga. Le frère du mari de Mamène, mort à Bruxelles, chez Lisette Fodderie, à la maison

- Il y a des gens qui naissent et meurent à l’hôpital ou dans un élevage de poulets aux hormones ! Les vraies personnes naissent et meurent à la maison, petite chérie ! A l’ancienne !

- Et alors, douchka ?

- Prépare la chambre !

- Tu t’imagines sans doute que je vais dormir à côté d’un mort ? Installe-toi dans le bureau !

au rez-de-chaussée, en début de semaine. Beaucoup de gens, beaucoup, beaucoup, beaucoup de gens. A Inzia. Muka, bien sûr, a pas mal picolé. Avec Monique Fodderie, avec Rachou Mpanu-Mpanu, avec tout le monde et plein d’autres personnes encore. Elle me téléphone, juste avant d’aller se coucher et de monter dans notre chambre, dire bonjour à Cannabis et


Cannabis, c’est le rat

- Ce n’est pas un rat, Papa Didier, c’est un octodon, une espèce d’écureuil !

- Sans doute, Sukina… mais avec tout de même la queue d’un rat, non ?

de Sukina… qui nous l’a laissé en pension, à Ixelles

- Et nous n’arrivons à le placer nulle part ! On ne peut même plus partir en vacances ensemble ! Il terrorise le chaton de Lianja !

- Ouais, on va croire ça ! raille Nadine. Avouez plutôt que vous ne voulez pas vous en séparer !

parce que, nous a prétendu sa mère, les compagnies aériennes refusaient d’embarquer des rats… qui pourraient s’échapper de leur cage et… grignoter les câbles des commandes de l’avion…


après, me dit-elle, s’être disputée avec Djuna qui, évidemment, travaillait encore sur son ordinateur et ne dormait toujours pas

- Qu’attends-tu pour étudier, Djuna, te trouver un vrai boulot, avoir un projet, faire quelque chose ?

- Maman, tu as trop bu ! Excuse-moi de ne pas te répondre mais tu sens trop la bière !

Muka, alias « Tantine Betena », alias « Motema Magique » boit trop ?


Muka, lorsque je l’ai rencontrée, ne tenait pas ses petits seins en laisse et les promenait en toute liberté sous un t-shirt échancré. Elle était la plus jolie fille jamais découverte depuis le XIXe siècle. Et c’est moi qu’elle a accepté (alors que tous les clébards

- Petite, j’ai soif !

de la ville auraient tant voulu lui renifler la truffe et le derrière) m’épouser, moi qui ne savais même pas danser !

Muka, alias « Tantine Betena », alias « Motema Magique », était

- Moi, je crois au grand amour!

et elle est toujours très

- Pas au petit amour !

exigeante. Mais, à l’époque, elle avait déjà

- Les alcooliques sont tous de foutus menteurs ! Tant que je ne mens pas, je ne suis pas une alcoolique ! tente-t-elle de me rassurer…

une sacrée descente !


Muka déprime (sûrement) ? Elle est (probablement) malheureuse ? Après autant d’années de vie commune, de quoi

- Mais non, Douchka, si j’ai beaucoup bu c’est parce que j’avais très soif ! Et puis de toute manière, tu sais bien que la boisson ne me déprime pas et qu’elle me met plutôt de bonne humeur !

suis-je donc (certainement) coupable ?

Muka devrait envisager (il sera bientôt temps) une reconversion professionnelle, sociale, matrimoniale ?

A Cape Town, pourquoi pas ? Y acquérir

- A Cape Town, une ville de Bulankos ? Un de leurs derniers bastions, douchka ! Ça va péter là-bas, tôt ou tard, non ?

- Ben oui ! Faudra bien, petite chérie ! A moins que l’élection de Jacob Zuma à la présidence de l’ANC ne conduise à un véritable changement ! Mais… Et quoique…

une « expertise », avant de revenir au Congo, s’y établir, y retrouver les copines et les copains et les enfants et les kokos, définitivement.

Ecrire à Butembo - Chapitre 3 - A « La Bénédiction de Dieu » - Yesu kaka !

Didier de Lannoy
Butembo !
sous-titré On m’envoie écrire ailleurs ! Ici, je dérange trop ? compte-rendu en musique d’un voyage dans le temps, à Kinshasa, 23 novembre 2007 - 11 janvier 2008
*
Extraits

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A « La Bénédiction de Dieu »

Yesu kaka !


NCJ, préposé par Nadine à mon transport et à ma « sécurité »

- D’ailleurs, NCJ porte des lunettes fumées ! Comme Antilope, son père, lorsque celui-ci travaillait à l’ Agence ou au Centre National de Documentation (c’est comme cela qu’on appelait la Sûreté, sous le règne de Mobutu Ier, non ?) après avoir, avant l’Indépendance, bossé aussi, sans doute, pour les « services » du Congo belge.

espère une nouvelle panne de courant. Que je cesse de tapoter sur mon clavier.

Et que je sorte de ma chambre. Qu’il puisse me présenter son Kinshasa et, plus particulièrement, son Yolo-Nord. Qu’on parte à la recherche de

- « Qui Saura » est toujours à Kin ! Il n’est pas encore retourné à Luanda ! Y retournera-t-il jamais ?

César, alias « Qui Saura », le papa de Didiana et de Djuli. Et, aussi, qu’on aille ensemble écouter Evoloko Joker à La Crèche, un dimanche soir…

Vincent Lombume Kalimasi, Bibish Mumbu, Asimba Bathy et

- Le Kinshasa de Chéri Samba, je le connais déjà un peu mais un approfondissement et une mise à jour s’imposent certainement !

Freddy Tsimba doivent

- Et à quoi tu occupes tes journées, Vié ?

- Je dois écrire un texte sur Butembo.

- Un roman, une épopée, un récit de voyage ?

- Le « genre » du truc, ça je ne sais pas… Mais donnez-moi quand même des idées ! Parlez-moi donc de Butembo ! Ne vous contentez pas de me dire que les gens, là-bas, sont très travailleurs, très entreprenants (donc très sérieux et très chiants ?) et qu’ils ont réussi à se tenir à l’écart de la guerre qui oppose les FARDC aux troupes du général Laurent Nkundabwatare…Trouvez-moi donc autre chose !

m’introduire dans leur Kinshasa à eux (le palais de chacun, la famille des uns et des autres, les terrasses où tout le monde se retrouve).

Et peut-être aussi

- Pourquoi pas ?

Vincent Kenis qui se trouve en ce moment à Kin et qui a « de l’oreille » (comme d’autres ont « un coup d’oeil») et doit sûrement, lui aussi, avoir plein de trucs (des gens

- Ba mpangi ya Vincent !

des lieux, des histoires, des images et des sons) à me faire connaître, à m’apprendre ou à me raconter, j’imagine, non ?

Je dois faire le plein. Découvrir et

- Chaque personne que je rencontre est un nouveau roman, petite chérie ! A vivre ou à rapporter ! Et les gens ne se rendent pas compte de tout ce qu’ils valent en termes de roman… les projets qu’ils entreprennent et les merdes qui leur arrivent, leurs manques de pot et leurs coups de bol, leurs passions et leurs désespoirs… A moi de les aider à « extirper » tout ça, non ?

- Extriper, extorquer, escroquer, oui ! Tu es un grand escroc, douchka ! Escroc moko ya makasi !

- Tous les griots, petite chérie, vivent aux dépens de ceux qui se confient à eux ! Mais ils font aussi leur gloire, non ?

emmagasiner le Kinshasa de chacun. Graver sur mon disque dur les anecdotes et les épopées kinoises, les amener dans mes bagages à Butembo. Pour expliquer, faire

- Kinshasa, la capitale, ses gratte-ciel, ses grands boulevards éclairés ! Kinshasa, la ville des musiciens… de Noël Ngiama Makamba, mieux connu sous le nom de Werrason, alias « Igwe », alias « le Roi de la Forêt », alias « Igwe de la forêt », alias « Le Phénomène », alias « Le vieux qui assure », alias « la Majorité Plurielle » (l’auteur de « Solola bien ») et de Wenge Musica Maison Mère … de Jean Bedel Mpiana wa Tshituka, alias « JB », alias « Jibé », alias « Papa Chéri », alias « Général (maintenant Maréchal) Mukuku », alias « Souverain Ier », alias « Bin Adam » et son groupe Wenge BCBG… de Papa Wemba, alias « Mzee », alias « Kuru Yaka » (tellement connu qu’on ne doit plus le présenter à personne, même à des Bulankos)… de Fally Ipupa (l’auteur de « Droit chemin », un des tubes du moment, un ancien « petit » de chez Koffi), de Hervé Ferré Gola (l’auteur de « Sens interdit », un ancien de chez Werra et de chez Koffi), du « feu follet » Bill Clinton Kalondji (et les Samourais ! un ancien de chez Werra)… de Lutumba Simaro Masiya, alias « Le Poète » et les Bana OK, de Josky Kiambukuta, d’Evoloko Joker, de Koffi Olomide, alias le « Rambo de la musique congolaise », alias « Grand Mopao », alias « Papa Fololo », alias « Sarkozy » et son « Quartier latin international », de Félix Wazekwa alias le « Monstre d’amour » et de son groupe « Cultur’A Pays Vie », de King Kester Emeneya, de Nyoka Longo « Jossart », de Grand’Père « Benz » Bozi Boziana et son groupe Anti-Choc !

- Des chansons salaces tant chez Werra1 que chez Mpiana2 ou Bill Clinton3 et des « Atalaku » qui, sous prétexte d’animation, dansent de façon carrément indécente et poussent des cris obscènes, oui ! Des buildings dont les ascenseurs tombent trop souvent en panne et des boulevards désormais sans éclairage (sauf « le 30 Juin » et quelques autres tronçons d’avenues, au hasard des coupures de courant) et constamment engorgés, oui ! Une ville de rues crevassées et d’avenues trouées, oui ! Et de quartiers entiers menacés par les pluies torrentielles, les inondations et les têtes d’érosions ! Plusieurs centaines de familles « sinistrées » sur les sites Bribano, Socopao et autres dans la commune de Limete… qu’il faut encore reloger ! Et plusieurs autres centaines sur les sites Mataba (à Binza-Delvaux) et Masikita dans la commune de Ngaliema… qui n’ont toujours pas été indemnisés ! Une ville de délestage, de glissements de terrain, d’embouteillage et de chômage, oui ! La route de Matadi complètement défoncée au niveau de Binza-Delvaux… Deux heures de trajet entre l’UPN et le centre-ville… Crois-tu vraiment que Kinshasa puisse encore faire rêver les gens de Butembo, douchka ! N’y tourne-t-on pas plutot les yeux vers l’Afrique de l’Est ou même vers l’Asie, tout en ignorant Kinshasa ? Ne rêve-t-on pas plutôt, là-bas, aujourd’hui, de l’Ouganda et du Kenya, de Dubaï, de l’Inde et, surtout, de la Chine de la région de Canton ? Voire de l’Indonésie, de la Thaïlande, de Singapour et de la Corée ?

rêver, séduire

- Comment s’appellent les habitants de Butembo ? Pour parvenir à les séduire, il faut d’abord que je sois en mesure de les nommer !

de nouveaux amis, « ceux de Butembo » ?

Délestage.

- Encore heureux que, depuis peu, j’aie moins d’apnées et que je ne doive plus porter mon masque respiratoire…

- Et c’est pour cette seule raison que tu n’as plus jamais remis les pieds au Congo depuis dix-sept ans, n’est-ce pas ?

- Ben oui ! C’est ce que je disais aux gens !

- Et c’était vrai ?

- Ben oui !

Au village il n’y a pas de délestage. C’est

- Et à Butembo, il y a du délestage ?

l’inconvénient de vivre en ville. Mais en fin de compte ça ne pose pas tellement de problèmes. Il suffit de s’organiser, de gérer l’improviste, de ne jamais se laisser prendre

- Où sont les allumettes, le sac de makala, les bougies et les lampes à pétrole ? Et le mbabula et le fer à braises ? Merde, j’ai encore oublié de mettre mon portable à la charge ! Où sont le papier cul, mon paquet de Tumbaco, le thermos de café, mon mouchoir et le cendrier ?

totalement au dépourvu…

Le courant, ça vient et ça revient, ça part et ça repart. Il doit bien y avoir un Dieu, quelque part, sardonique et rigolard, qui se joue des gens, actionne des manettes et gère

- Nzambe aye, courant esili ! Dieu est-il corruptible ? Combien coûte-il ? Nzambe aye, courant ezali ! Quel est le montant de l’offrande que Dieu exige pour envoyer du jus aux hommes ?

tout ce bordel : qui sanctionner et qui récompenser, quand et pendant combien de temps. C’est lui qui détermine à quel moment de la journée je travaille et c’est lui qui arrête le programme

- A quand les PC à pétrole ?

de ma soirée. C’est lui qui décide si je fonctionne à la couette (quand la climatisation fonctionne) ou à la bougie. C’est lui qui fixe également l’heure à laquelle (avec les poules ou avec les chauves-souris ?) je me couche… Ce Dieu-là est

- Peut-on le révoquer et le remplacer, ce Dieu-là ? Ses compétences techniques sont-elles incontournables ?

très certainement un big boss bossu, b bb bègue, borgne et boutonneux qui, de toute évidence, prend un malin plaisir à ne communiquer son planning à personne.

Cette situation de dépendance n’est pas pour me déplaire. Elle présente même un certain nombre d’avantages. On ne peut pas facilement

- Ils peuvent toujours (ils n’ont qu’à, quoi !) rendre leurs visites dans l’après-midi, non ?

inviter des gens à passer la soirée (devant la télévision ou au clair de la lune ?) et à manger (des brochettes et des makembas… ou de la kwanga et du makayabu ?) et à boire de la bière (tiède… ou bien tapée ?) à la maison… On ne passe pas tout son temps dans une chambre enfumée à écrire ou

- J’aime lire n’importe quoi, petite chérie ! Tous les bouquins que je trouve sur les étagères de la chambre de Sukina ! Même des romans de Georges Simenon, d’Agatha Christie ou de Charles Exbrayat ! Même des livres pour jeunes ados (Tim Winton, « Tu es une légende », 2003, l’école des loisirs, pour l’édition française) et pour enfants âgés (la série « Arthur » de Luc Besson) ! Tout ce qui me tombe sous la main, quoi ! C’est plutôt chouette, quoi ! Je ne dois pas choisir et j’adore ça ! Je lis même des bouquins que j’ai déjà lus (plusieurs fois !) précédemment ! C’est sans doute ce que j’apprécie le plus dans la combine… L’auteur est désarmé, à poil, dépouillé de sa baguette magique ! Il n’est plus en mesure de « raconter des histoires » à ses lecteurs et de les mener par le bout du nez, à sa guise, comme il veut et où il veut ! Il doit les convaincre autrement ! Et, moi, je ne dois même pas te téléphoner pour te demander de m’expliquer ce qui se passe et de me signaler qui sont les bons et quels sont les méchants !

à lire, on sort de son trou et on cause avec tout le monde… On réduit

- A moins qu’il ne soit s’agisse d’un montant forfaitaire, douchka…

le montant de la facture d’électricité mais on n’effectue certainement pas d’économies sur d’autres postes du budget : les bougies, les allumettes, le pétrole et le charbon de bois…

Pas de courant, qu’est-ce qu’on fait alors ?

On va boire, tiens ! Et manger des brochettes ! Et de petites bananes frites (et du pili-pili poussière) !

Avec NCJ, à pied, dans un bar-boutique des environs, à « La Bénédiction de Dieu ». En terrasse.

Trois grosses liasses d’argent sont exposées sur une des tables installées à front de rue. Ostensiblement. Koffi Olomide (« Danger de mort »), Kalonji Bill Clinton (« Bompikiriki »), JB Mpiana (« Kipe ya yo »), Werrason (« Lidusu »), Ferre Gola (« Sens interdit »), Fally Ipupa (« Droit chemin ») et Papa Wemba (« Okoningana ») se relaient avec bonheur, sans copiner peut-être mais sans non plus se disputer, dans les baffles. On vide quelques bouteilles de Primus. Bien tapées. Chacun sa bouteille. Huit (ou neuf ?). Moins d’un casier. On les pisse, pisse, pisse, pisse, les unes après les autres

- Nake na sima !

tout au fond d’une parcelle, un peu plus loin, discrètement, entre deux carcasses de bus. Quelqu’un y a mis sécher du linge. A l’intérieur. A l’abri d’une pluie éventuelle. Etendu sur des banquettes.

La boutique-bar « La Bénédiction de Dieu » est un bureau de change, un repaire de cambistes, quoi ! Les voitures

- Les piétons aussi mais ils sont moins visibles...

frôlent, regardent, s’arrêtent. On achète des francs congolais et on vend

- Des euros ?

- C’est moins courant !

des dollars. Ou l’inverse. Furtivement. Comme on vendrait du diamba. Mais à l’aise. Sans devoir montrer sa carte d’identité à aucun guichetier. Avec soin. On compte, on vérifie, on empoche.

Après « La Bénédiction de Dieu », quelques jours plus tard, à Kingabwa, avec Nzeza (qui m’a fait visiter l’UCM, ses salles de cours et son cyber-café) et son équipe

- Médard, Laurent, Thierry… Et encore un autre gars, petite chérie, dont je n’ai pas retenu le nom !

de formateurs en informatique, on visite

- On y boit de la Primus ou de la Skol, on y mange du makayabu, on y grignote des arachides…

un temple de la même obédience : « Le plaisir de Dieu ».

Ces églises-là me conviennent plutôt bien. J’en suis, très volontiers, le paroissien.

1 « Ah, Lidusu ! Tobina na Lidusu ! Nakoti na Lidusu ! »


2 « Le poisson a combien de parties ? Trois parties ! Ah, Citez-les : Mutu, Libumu na Lopele, pele, pele, pele ! Elengi ya Lopele ! Est-ce que vous voulez danser Lopele ? Oui ! Pesa mokongo, tanda biloko… »


3 « Biloko ya mama, ezalaka elengi na nzoto ya papa ! Biloko ya papa, ezalaka elengi na nzoto ya mama ! Biloko ya Loli, ezalaka elengi na nzoto ya Christian ! Caleçons ya bango na bigidi petepete ! Caleçons ya bango ekomi petepete ! Bazalaka lolendo ya pamba, bigidi petepete ! Oladi mudinde, eh, mudinde, eh, longola buaka ! »



Ecrire à Butembo - Chapitre 4 - Yolo-Nord - C’est quoi ton problème ?

Didier de Lannoy
Butembo
sous-titré On m’envoie écrire ailleurs ! Ici, je dérange trop ? compte-rendu en musique d’un voyage dans le temps, à Kinshasa, 23 novembre 2007 - 11 janvier 2008
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Extraits

*J'y retournerai un an plus tard. Cliquez sur :http://anaco3.over-blog.net/
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Yolo-Nord

C’est quoi ton problème ?


Pour arriver à Yolo-Nord en venant de chez

- J’ai aussi vu leur fille, Bibiane ! Avant qu’elle n’aille au boulot ou je ne sais où, à pied (ou en hélicoptère, envolée pour ailleurs, partie dans un autre monde ?) ou en taxibus…

Anastase Nzeza et Marie Tumba

- Et j’ai enfin, petite chérie, fait la connaissance d’Anaya qui, sans aucun doute, incarne, pour ses parents, l’avenir du Congo et le refus obstiné et déterminé de toute désespérance…Et je n’ai pas oublié de lui remettre un petit cadeau de notre part à tous les deux !

et en passant par le rond-point Ngaba, on est obligé de traverser, en jeep, prudemment, très difficilement, d’énormes trous

- Ce ne seraient pas ces trous-là, douchka, que des habitants du quartier appelleraient, je ne sais plus… soki « Lacs Kabila », soki « Lacs Gizenga », soki nini… ? Il me semble avoir lu ou entendu quelque chose dans le genre quelque part ou ailleurs, non ?

- Je te trouve très tendancieuse, petite chérie ! Je ne répondrai pas à ta question !

- Faux cul !

- Mais non, petite chérie, mais non… « Tendancieuse », ça veut seulement dire, aujourd’hui, à Kinshasa, que tu es à la mode, que tu es dans le « mouve », non ? C’est mauvais peut-être ?

d’eau boueuse, grands comme des excavations de chantier, creusés en plein milieu de l’avenue de l’Université…

Avenue ex-Monseigneur Six. Avenue Bolobo.

Je dois, absolument, rendre visite à Mama Kulutu, la sœur de Marie-Denise. Maman Kulutu me demande

- Emmanuelle akoli vraiment !

- Emmanuelle ? Nani wana ? Qui c’est ça ?

- Emma, ko! Mwana ya Nadine ! Koko na yo ! Ta petite fille!

- Aaaaaah, Sukina !

des nouvelles de tous les gens de Bruxelles : Marie-Denise, Ana, Anselme, Arnaud, Hortense, Djuna, Carmel, Lianja… Elle est toujours aussi belle et aussi gentille mais, quand on la regarde à la dérobée

- Nadine m’avait pourtant prévenu !

on peut lire une grande lassitude et beaucoup de tristesse dans ses yeux.

Tout le monde habite chez elle. Tout le monde est, d’une manière ou d’une autre, à sa charge. Des fils qui ne font pas grand-chose

- La plupart des filles sont à Paris… Elles envoient de l’argent à leur mère quand elles le peuvent… mais elles ne vivent pas non plus dans le luxe là-bas… et ce n’est pas toujours facile pour elles…

et leurs épouses qui ne font guère plus. Des neveux (les enfants de Noko Fabien ou de Noko Albert, etc) et toute une flopée de petits-enfants (ceux de Clémentine, de José, de NCJ, etc) dont je n’ai pas pu retenir le nom (sauf Jimmy, le fils de NCJ et de Noëlie, le petit frère de Maria). Et même Suke Bola, toujours marié et toujours aussi nostalgique

- Suke Bola me demande des nouvelles de Lita Bembo, ce qu’il fait à présent, s’il s’en sort à Bruxelles, comment il se débrouille…

de l’orchestre Stukas mais toujours au chômage et toujours sans ressources.

- Suke Bola me demande si je compte faire le tour de tous les endroits où j’ai habité ou travaillé à Kinshasa. Je lui réponds que je ferai ça plus tard, dans mon cercueil, avant d’aller au cimetière !

- Même pas ta première maison à Kinshasa, rue de Mpangu, n°16, juste à côté ?

- Même pas ! D’autant plus qu’on m’a dit que la parcelle est à présent, clôturée !

César, alias « Qui Saura », n’habite plus le palais qu’il occupait dans le temps, pas loin de Kapella et de chez Maître Taureau, mais s’est installé

- Quelque part à Kalamu, évidemment, c’est « sa commune » ! Et de préférence à Yolo

- Nord ou Sud, douchka ?

- Yolo-Nord ou dans les environs immédiats, petite chérie ! Chaque quartier est un ghetto, me dit Nadine, une base, un socle… Ce sont des amis, des voisins, des habitudes, des amourettes, des bars, des aventures, des références, une histoire partagée ! On reste toujours fidèle à son ghetto ! A l’extérieur, on n’est plus rien ou pas grand-chose…

dans les environs, au camp Kauka, paraît-il. J’évite cependant

- On a trop bu hier soir, NCJ et moi. On ne va pas remettre ça aujourd’hui en plein après-midi… Je repasserai.

d’envoyer quelqu’un à sa recherche. Et je me retiens aussi d’aller

- Toujours la même parcelle ?

- Toujours ! Mais le 11.12.13 est fermé, depuis le temps, évidemment…

dire bonjour à Evoloko Joker…

Excellente nouvelle. La Tempeta de Oro, certes, n’existe plus (et le Rio de Suba-Suba n’y coule plus, à l’intérieur, pour les saoulards et les ballados du quartier) mais

- Où ai-je donc écrit (récemment !) ça, que Champro était mort ? C’est Asimba Bathy qui nous avait annoncé la triste nouvelle, chez Alain et Françoise… Il avait confondu le King et un autre Champro, sans doute… Bon, un rectificatif s’impose…


Et merde… Je travaille sur un nouveau clavier…

- Chinois… Prêté obligeamment par Jean-Luc Delsemme… (bonjour, Jean-Luc, merci à toi… nous ne nous sommes pas beaucoup vus durant mon séjour… ou même pas du tout… tu m’excuseras, limbisa ngai… mais c’était un point de « méthode » auquel je tenais : je voulais écrire « à » et « sur » Kinshasa sans mettre les pieds à la Gombe… fais-moi quand même savoir que je suis pardonné )…

et je ne trouve pas la touche du point d’exclamation… Va-t-il falloir que je change encore de style et de personnalité… Et que je me familiarise avec le point de suspension… C’est râlant…

Mais ouf ! Voilà que le point d’exclamation est revenu ! « L’autre Marco », le copain de Kako, m’a montré comment faire ! Il suffisait de taper sur la touche du 8 !

Vite, j’en profiiite !!!


Champro-Mitterrand de Monaco, Champro King ! le copain d’Emoro, le voisin de Djo Mali (avant que celui-ci ne parte à Bruxelles) est toujours vivant. Bel et bien et bon vivant.

- Toujours « fringant », me confirme NCJ (ce n’est pas exactement le mot utilisé par NCJ mais c’est tout comme)

On passe devant chez lui. Je ne vois pas le « Champ » à l’extérieur. On

- Passons ! C’est très embarrassant ! Peut-on rendre visite à quelqu’un dont on a annoncé la mort à quelques dizaines (au moins) de personnes ? Doit-on lui présenter des excuses (okosenga ata pardon te ?)… Lesquelles ? Pourrait-il mal prendre la chose ? Souffre-t-il du diabète ? Est-il émotif ? A-t-il le coeur sensible ? Croit-il en ma sorcellerie ?

ne s’arrête pas. Je me dis

- Tu dis toujours ça, douchka…

que je repasserai…

Et voilà.

Je devrais être en mesure, à présent, de donner un premier élément de réponse à une des nombreuses questions que Muka, alias « Tantine Betena », alias « Motema Magique », ne manquera certainement pas de me poser :

- Kinshasa a beaucoup changé, douchka ?

- Sans doute, sans doute (deux à trois fois plus d’habitants qu’avant, on tend vers les dix millions… beaucoup de boutiques, beaucoup d’ateliers, beaucoup de nouvelles constructions, presque plus aucun espace vert entre les différentes communes, beaucoup de voitures et de 4x4, beaucoup de « roulages » qui sécurisent la ville, sermonnent les automobilistes mais, apparemment, ne passent pas leur temps à les racketter1, beaucoup de stations-service, beaucoup de chaînes de télévision, beaucoup de journaux, beaucoup de compagnies d’aviation, une énorme énergie qui commence à s’activer) (mais aussi, me dit-on… beaucoup d’enfants de plus de dix ans qui n’ont jamais été à l’école… beaucoup de jeunes glandeurs qui ne connaissent rien d’autre de Kinshasa que leur quartier-ghetto… et qui, quelquefois, en meute, la nuit, se lancent à l’assaut des « écuries » ou des « clubs sportifs » ennemis, ceux qui contrôlent les territoires voisins … et qui, armés de tournevis et de tessons de bouteilles, interpellent les ivrognes, les sorciers, les poètes, les amants clandestins, les pasteurs en divagation…et les dépouillent de leurs montres, téléphones, chemises, chaussures : « phénomène Kuluna », dit-on) mais moi pas...

- Comment ça, « toi pas », douchka ? Explique !

- Moi, je n’ai pas changé ! Pas mal de gens m’ont demandé mon numéro de téléphone…

- Et alors ?

- A certains d’entre eux, j’ai donné mon numéro, bien sûr… mais celui de Bruxelles pas celui de Kinshasa (Sukina m’a prêté un de ses portables et aussi un de ses numéros d’appel) (et son « jouet » du moment, Brian, n’arrête pas de m’envoyer des SMS, surtout la nuit, quand je viens à peine de m’endormir, oh !). Et j’ai oublié de prendre le leur.

- A qui tu as fait le coup, salopard ?

- Je ne te le dirai pas !

- Tu es toujours aussi dégueulasse, douchka !

- Meuuuuunon… C’était pour rire, petite chérie, évidemment ! J’rigole, (comme dirait Lianja) !

Et Butembo, déjà, jalousement, m’interpelle et me demande ce qu’il (ou elle) devient dans tout ça ?

- C’est ça ! C’est bien ce qu’on pouvait craindre ! On n’aurait jamais dû t’autoriser à faire escale à Kinshasa. Tu te retrouves à Yolo-Nord et déjà tu m’as oublié(e) ?

Mawa vraiment.

1 Changement de mentalité ? Sans aucun doute ! Mais il y a quand même des « poches de résistance »…

On me dit, certes, qu’il n’est pas conseillé de « faire appel à un colonel » pour se tirer des flûtes lorsqu’on est arrêté par des « roulages »… Informé de l’affaire, le général Jean de Dieu Oleko, inspecteur provincial et grand patron de la police de la ville de Kinshasa, n’hésiterait pas, dit-on, à interpeller le colon. Et tout le monde risquerait alors de finir la journée au poste. Et de devoir « s’y expliquer ».

Mais on me rapporte également l’histoire d’un automobiliste dont la voiture se serait ensablée sur une route en très mauvais état, aux environs du site de Kikimi, à une centaine de mètres d’un groupe de policiers, assis sur des chaises en plastique à proximité d’un passage particulièrement difficile… et attendant des « clients »… Les policiers n’auraient fait aucun signe au conducteur pour le prévenir du danger mais

- Changement de mentalité ! Infraction !

lui auraient collé une

- Une chèvre ?

- Non, des dollars ! Entre dix et vingt dollars… Le montant qu’on réclame habituellement au conducteur ou au passager (assis à l’avant) qui aurait négligé de mettre sa ceinture de sécurité.

amende salée… avant de lui « proposer leurs services » pour l’aider à dégager son véhicule… Le « changement de mentalité » prôné par les autorités ne serait pas toujours entendu dans le sens qu’il faudrait ?