mardi 20 avril 2010

Ecrire à Butembo - Chapitre 18 - Coupure d’inspiration - Pelisa Ngwasuma !

Didier de Lannoy
Butembo !
sous-titré On m’envoie écrire ailleurs ! Ici, je dérange trop ? compte-rendu en musique d’un voyage dans le temps, à Kinshasa, 23 novembre 2007 - 11 janvier 2008
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Extraits

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Coupure d’inspiration

Pelisa Ngwasuma !


J’ouvre une bouteille de Primus et je lis

- Coupure d’inspiration ? J’allume mon groupe électrogène, je fonctionne à documentation !

dans la presse que

- Mais on lit n’importe quoi dans la presse, douchka ? On n’y trouve que ce qu’on y cherche, non ?

les insurgés du général Laurent Nkundabatware ont reconquis la localité de Mushake

- Une armée gouvernementale, petite chérie, n’est jamais complètement en déroute ! Elle consolide ses positions ou opère un repli stratégique pour protéger ses pièces d’artillerie, non ?

en territoire de Masisi, dont ils avaient été chassés six jours plus tôt par les FARDC et que de nombreux réfugiés, fuyant les affrontements de Rutshuru, sont arrivés, après une marche de deux jours, à Kanyabayonga et à Kirumba et que, depuis le retrait de la 2ème brigade intégrée, les localités de Bingi et d’Alimbongo, au sud du territoire de Lubero, ont été occupées par des miliciens Maï-Maï et des groupes armés du FDLR qui se dissimulent et s’embusquent dans les forêts et les montagnes des environs et que le pont qui enjambe la rivière Luholu est appelé

- Pourquoi ce nom, douchka ?

- Un accident de la route, un suicide, un meurtre, un massacre… Je te dirai ça plus tard, petite chérie ! Attends que je revienne de là-bas !

le « pont de la mort » et que les éléments de la Police d’intervention rapide (PIR) venus de Kinshasa pour renforcer la sécurité au Nord-Kivu se plaignent de leurs conditions d’hébergement dans l’ancienne base logistique Zaïre-Canada, à côté de l’hôtel Karibu, à Goma, et qu’ils souffrent de diarrhée à force de boire de l’eau du lac et de manger des haricots et que les quarante-neuf prisonniers, majoritairement des militaires condamnés à mort, qui s’étaient évadés « dans des circonstances mystérieuses », en septembre dernier, de la prison de Vuvohi à Beni, n’ont jamais été retrouvés et qu’ils « courent toujours » et que trente-six personnes en provenance de Bundibujo, district ougandais frontalier de la RDC, ont été mises en quarantaine à Nubili, localité congolaise située à cent quarante-deux km au Nord-Est de Butembo et que les responsables sanitaires du district ont pris la décision de fermer le marché du village de Kamango, près de Beni, où les ressortissants ougandais de Bundibujo avaient l’habitude de venir se ravitailler en denrées alimentaires et qu’un malade venu de Kamango a été « isolé » à l’hôpital général de Beni (et d’autres cas suspects aussi, à Batalinga, à soixante km à l’Est de Beni) et que, craignant pour leur vie, certains médecins stagiaires de cet hôpital ont jugé bon d’abandonner leur poste et que, de l’autre côté de la frontière, des supermarchés et des banques de Kampala ont fourni des gants en plastique à ceux de leurs employés qui doivent manipuler de l’argent et que les plus hautes autorités ougandaises ont invité leurs compatriotes à ne plus se serrer la main, à ne plus s’embrasser et à ne plus échanger de « fluides corporels » et que, de retour au Congo, dans les « quartiers généraux » de Beni, les tenancières

- Des mamans !

vendent toutes sortes de boissons, du tabac à priser, du chanvre et de l’alcool de fabrication artisanale et attendent le bon moment pour « envoyer » à leurs clients des Citronnelle et des Pétronille de 12 à 16 ans et que

- Combien tu prends ?

- Si tu as besoin de moi, Chéri, tu discutes avec la maman ! Arrange-toi avec elle !

ce sont elles qui habillent, nourrissent et soignent les filles, leur apprennent le métier et fixent

- Cinq dollars américains avec préservatif, vingt dollars sans capote !


Muka, alias « Tantine Betena », alias « Motema Magique », intervient.

- Et le prix de la capote est à charge de la prestataire de services, du consommateur final ou de la cheffe d’établissement, douchka ?

- Je te dirai ça plus tard, petite chérie ! Attends que je revienne de là-bas ! Tu veux toujours que je m’y rende ?


le prix des passes…

Et c’est au Nord-Kivu que je dois bientôt écrire !

Ainsi donc, les territoires de Lubero et de Beni auraient-ils cessé d’être le Paradis du nouveau Congo ?

Mais Butembo demeure la « capitale économique » incontestable de ce ex-Paradis tant vanté et aujourd’hui menacé : une ruche industrieuse, une oasis de paix, d’innocence

- Et que dit-on « en mal » de Butembo ?

- On parle de « Mafia Nande »… On dit que Butembo a réussi à reproduire, en concentré, tous les principaux vices et maux dont souffre la société congolaise…

et de bonne santé physique, touristique, énergétique, morale, mentale, agricole, minière, forestière, militaire et

- Fiscale aussi ?

commerciale…

Aaah, Kisasaaa…

Où Lofo Bongeli Senge vient de marquer un quatrième but pour les Dauphins noirs (V.Club) au stade des Martyrs !

Et voilà que tout Moscou jubile et chante à tue-tête ! Et que, à la sortie du stade, un supporter en liesse arrache le rétroviseur gauche de la voiture de Gerda, la copine de Nadine…