mardi 20 avril 2010

Ecrire à Butembo - Chapitre 6 - Une photo de Kin, dérobée, prise en cachette - Mobali ya bololo !

Didier de Lannoy
Butembo
sous-titré On m’envoie écrire ailleurs ! Ici, je dérange trop ? compte-rendu en musique d’un voyage dans le temps, à Kinshasa, 23 novembre 2007 - 11 janvier 2008
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Extraits

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Une photo de Kin, dérobée, prise en cachette

Mobali ya bololo !


Route du Mont-Ngafula.

A droite. En venant du rond-point Ngaba.

Une inscription a été portée sur la carrosserie d’une demi-camionnette (à savoir, très précisément, la partie arrière d’une camionnette… coupée en deux), installée à demeure, sur pilotis, dans l’herbe, à deux mètres du bord de la chaussée.

- Quoi ça ? Qu’est-ce qui est écrit ?

- On a écrit, en lettres majuscules, sur la carcasse du véhicule :

LE CONGO, MON PAYS

Cette partie arrière de la camionnette, peinte aux couleurs nationales, en bleu, avec une étoile, deux petites bandes jaunes et une grande bande rouge, est sans doute devenue un commerce quelconque : une cabine téléphonique (hors réseau ?) ou un salon de coiffure (en congé pour toujours ?) ou une boutique (pas encore ouverte ?)…

L’autre partie (le poste de pilotage, le volant, les pédales, le pare-brise et le moteur) a carrément disparu…

Qu’est-elle devenue ? Où est-elle donc passée, la « tête » de cette camionnette à l’abandon, à présent immobilisée ?

A-t-elle été volée, pillée, prêtée, vendue ? Est-elle partie en voyage ou en mission ? A-t-elle été emportée par des pluies diluviennes ou emmenée à l’étranger, comme butin, par des envahisseurs ? Est-elle, à présent, exposée au Musée de Tervuren ?

D’accord, tout ceci nous éloigne passablement de Butembo, mais avant d’aller plus avant et de façon à pouvoir répondre

- Mais qui sont-ils vraiment, ce Filip et ce Maliq ? Et tous les gens qui sont sûrement derrière ?

précisément aux attentes de mes commanditaires éventuels, il faudrait d’abord que je sache : pourquoi ont-ils choisi la ville de Butembo ?

Pour son climat, sa faune et se flore, la potabilité de ses eaux volcaniques ? Pour l’esprit d’entreprise de ses habitants, leurs maisons « à étage », la fécondité de son sol et

- De l’or et du diamant ? De la cassitérite et du coltan, dit-on… et du pétrole en perspective ? Et, dit-on aussi, du pyrachlore et du niobium ? Quoi encore ? Qui dit mieux ?

- De l’opium, douchka ?

- Du niobium, petite chérie, un minerais qui interviendrait dans la fabrication des fusées pour l’aéronautique spatiale… Et qui intéresserait particulièrement les Américains… Il y en aurait du côté de Kitchanga… et de Nkundabatware… mais je ne sais pas si on en trouve aussi dans la région de Butembo ! Tout ça reste à vérifier évidemment…

de son sous-sol ? Pour son thé ou son café ? Pour ses steaks, ses pommes de terre et ses salades ? Pour ses poissons (y a-t-il seulement des eaux poisonneuses, des lacs ou des rivières dans la région de Butembo ? sûrement oui, non ?) dont on dit qu’ils portent parfois

- Attention, douchka ! Fais gaffe ! C’est sûrement de la sorcellerie ! Il vaut mieux éviter de manger la chair de ces poissons-là ! Ce sont peut-être des mamiwatas ?

- Mais non, petite chérie, il n’y a pas de mamiwatas à l’est du pays !

des boucles d’oreille ?

Mais peut-être ont-ils choisi Butembo en jouant aux fléchettes sur une carte de l’Afrique ?

Et puis s’agit-il seulement de la ville de Butembo ou

- Beni et Lubero aussi ? Devrai-je également gravir le Ruwenzori, petite chérie ? A mon âge ? Avec une canne ou des béquilles ? Rôder aux alentours de la frontière ougandaise ?

de son environnement aussi ?

Et pourquoi écrire à Butembo ? Pour être lu où ça ? En Amérique ou en Afrique ? Quelle est

- Des Bulankos seulement, petite chérie ? Les gens de Butembo seront-ils « admis » à lire un texte qu’on écrirait chez eux ?

la cible ? Quel est le « public » visé ? Qui seront mes lecteurs éventuels ? Et pourquoi se donneraient-ils

- Des « analystes » et des « agents » de quelle « guerre secrète » menée par quelle grande puissance, petite chérie ? Des hommes d’affaires, des pasteurs évangélistes, des minéralogues ou des anthropologues ? Des « observateurs privilégiés de l’Afrique » ?

la peine de lire un texte sur Butembo ?

D’où vient l’argent ? Où est le profit ? Et de quelle manière ceux qui allongent le pognon comptent-ils

- Filip, tu peux répondre ? Et toi, Maliq ?

- Ozali parano moko ya grave, Vié ! Moyen te !

s’y prendre pour en percevoir encore davantage... comme il se doit dans toute bonne « démocratie du marché », florissante et chrétienne, où la prospérité des riches est un témoignage de leur générosité envers Dieu ?