mardi 20 avril 2010

Ecrire à Butembo - Chapitre 31 - On arrête là, quoi ! Petite, kota na chambre !

Didier de Lannoy
Butembo !
sous-titré On m’envoie écrire ailleurs ! Ici, je dérange trop ? compte-rendu en musique d’un voyage dans le temps, à Kinshasa, 23 novembre 2007 - 11 janvier 2008

Extraits


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On arrête là, quoi !

Petite, kota na chambre !


Ben oui ! Arrêtons ici, non ?

Sinon, il ne me restera plus rien à écrire

- Ecrire, écrire… c’est toi qui le prétends, douchka ! Moi, je pense que tu n’es pas un écrivain pas mais plutôt une espèce de « partisan » qui mène des guerres secrètes dont il est le seul à connaître les cibles et les enjeux ! Tu n’es pas un écrivain, douchka, tu es un anarchiste, un provocateur, un subversif, un saltimbanque, un faiseur d’embrouilles, un court-circuiteur, un incorrigible vieux poseur de bombes… ou de pétards de carnaval ! Mais stop… Nonobstant les travers et les vices de mon mari, j’ai décidé d’être (aujourd’hui seulement) gentille avec lui et de lui chanter, comme Bashung (avec la voix d’Arno), « les mots bleus qui rendent les gens heureux »…

- Waow ! Tu as trop bu, petite chérie ?

- Aujourd’hui seulement ! Je ne m’engage pas plus loin !

à Butembo sur Butembo !

Tandis que Kinshasa est et continue d’être. Kinshasa demeure. Kinshasa évolue


g gr gronde, g gr grog gne, g grog gn gnonne, g grr grommelle, maug g gr grr grée, g gr grouille, trépig gn gne, enrag g ge, dérang g ge, g gr gratte, g gr grapille, eng gr grang g ge, g gr grandit, g gr grossit, aug gm gmente …


et rajeunit. C’est seulement moi

- Bientôt je ne boirai plus que de l’eau ? Comme Freddy Tsimba lors de notre première rencontre à Kinshasa (quelques jours plus tard, très heureusement, Freddy s’est remis à la Tembo et ça m’a rassuré), Matsi Kalubi ou Viktor Rousseau (ayant, tous et chacun, d’excellentes excuses à faire valoir, je n’en disconviens pas, mais, quelquefois, je me retrouve bien seul et très mal assis, devant mon verre de « jus de houblon »… ou de maïs, le cul posé sur un casier de Skol ou de Primus, avec un anthrax ou un « bubon » au derrière) ? A Kinshasa, passé un certain âge, beaucoup de gens sont-ils donc visité par l’Esprit Saint, la crise économique… ou la chaude-pisse ?

qui prends

- Quel grade déjà ?

- Soixante-huit, depuis le 19 novembre de cette année 2007 ! Tout le monde ici est plus jeune que moi ! Mes anciens rivaux sont (presque) déjà (tous) morts ! A présent, je suis le roi unique… et je risque bientôt de m’ennuyer tout seul ! Avec qui jouer à la guerre ? Qui envahir et à qui résister ? Quelquefois, mon âge m’étonne… Comment se fait-il que je ne sois pas déjà mort… ou complètement gâteux ?


Muka, alias « Tantine Betena », alias « Motema Magique », ne peut se retenir

- Mais tu l’es, douchka, tu l’es ! Rassure-toi !

- Mort ou gâteux, petite chérie ?

d’avoir le dernier mot..


de l’âge, du flacon… ou du carat, c’est selon…

La Bracofa

- Non ! La Bracofa n’est pas une nouvelle brasserie (chinoise ?) qui tenterait de concurrencer la Bralima ! La Bracofa est, faut-il le rappeler, la branche congolaise de la famille… la famille de « Vieux ba Diamba » !

me paraît bien implantée à Kinshasa. En bonne voie de réussite. Et je suis très fier

- Mais je m’inquiète aussi, petite chérie, j’angoisse ! Ça fait aussi partie de mon boulot de père et de grand-père, non ?

de notre fille Nadine, alias « Mère Courage ». C’est une

- Elle sait bien qu’elle ne peut compter que sur elle-même et sur quelques ami(e)s… Je ne puis lui être d’aucune utilité… Et, d’ailleurs, je ne l’ai sans doute jamais été… pour personne…

- On se tape une dernière petite crise de parano, douchka ? Faut-il sortir les grands mouchoirs ? Un pagne, une nappe et un drap de lit pourraient-ils faire l’affaire ?

battante et elle a des règles qu’elle s’interdira toujours

- Le machisme, le racisme et l’injustice ne l’ont jamais fait rigoler ! Il y a des portes qu’elle n’hésite pas à claquer ! Même au nez d’un employeur ou d’un mari !

de transgresser. J’ai foi en elle et en l’avenir de la Bracofa… et aussi

- Sumate ?

- Sukina, Marco (alias « Kako ») et Tensia !

de la Maison Sumate

On ne manquera pas de venir

- D’abord, Hortense ? Ou Eric ou Djuna ? Ils attendent que leur sœur débroussaille le terrain ?

- Et nous alors ? s’exclament Muka (alias « Petite Chérie », alias « Tantine Betena », alias « Motema Magique »), Maman Denise (alias « Mère-Chef », alias « Mamie »), Tonton Arnaud (alias « Papy »), Alice, Djuna, Carmel, Lianja, Percy, Maëlle, Lohile et Nyssia… Et se précipitent-ils tous…


Je rêve la scène.

- Vos papiers ?

- Est-ce bien nécessaire ? On vous les rend, on se barre, on fout le camp !

- Vos billets alors ?

- Pas de billets ! Nous voyageons « ofele » ! C’est l’Office des Etrangers qui paie !

- Vous disposez d’un Ordre de Quitter le Territoire ?

- Pas d’OQT ! Nous nous expulsons nous-mêmes ! Nous sommes des expulsés volontaires !


sur le tarmac, escaladent-ils l’échelle, bousculent-ils les hôtesses et s’installent-ils de force dans l’avion pour Kinshasa…comme on grimpe dans un taxibus, aux heures de pointe, au parking du rond-point Victoire

tous la rejoindre ici…

J’ai foi également (mais il faudra bien, un jour ou l’autre, qu’il puisse trancher ses liens et libérer toute son énergie) en Cédric dont

- Qui ça ? Quelqu’un, quelque part, quelquefois, s’occupe donc encore un peu de lui ?

on vient de raser les cheveux pour les fêtes et qui joue sur la terrasse, avec trois billes…

J’ai foi en Anaya. Elle a trois ans à peine et va déjà à l’école. Elle est dans de bonnes mains. Je sais qu’Anaya et Cédric sont l’avenir du Congo. J’ai foi dans le Congo. Je suis certain de ce que ce pays peut devenir. Un grand pays. Mais, aujourd’hui, je vois aussi

- Et ça me désole !

qu’il ne l’est pas encore et

- Je ne supporte mon impuissance ! Même avec une bonne dose d’humour et de cynisme, ça ne passe pas ! Je ne supporte pas d’être le voyeur des problèmes des gens !

que trop d’amis à moi sont, dans l’entre-temps, morts avant leur « Vieux » : Ndam Kasongo, Sombo Dibele Awanan, Emmanuel Rwiyereka, Simba… C’est comme si je les avais trompés, trahis, niqués…

Quatre heures du matin. C’est l’heure à laquelle, habituellement, Nkoy se réveille dans sa parcelle de Kingasani. Nkoy se lève, se lave, s’habille, boit du thé et grignote un bout de pain (ou mange en vitesse les quelques restes d’un repas de la veille). Puis « fait le pied » jusqu’à Pascal, puis « fait le pied » jusqu’au Q.1 à N’Djili, puis prend un taxibus jusqu’au rond-point Victoire ou au Marché Central, puis « fait le pied » jusqu’à la Gombe où il arrive le tout premier à son service, avant 6h30…

Et s’il en a les moyens, en 2009, il se remarie !

Tandis que « Qui Saura », lui, veut revenir au Congo et

- C’est décidé ! Mais pas à Kinshasa même, plutôt du côté de Kasangulu, après Matadi-Mayo, là où ma famille a « toute une forêt » ! Je me verrais bien y lancer un élevage de poulets ou de canards, installer un groupe électrogène, ouvrir un nganda maboke ou un nganda ntaba pour les Kinois friqués, excursionnistes du week-end…

s’y installer

- Avec Linda ?

- Oui, mais maintenant elle exige qu’on se marie !

- A l’église ?

définitivement.

Et voilà que, sur le boulevard Lumumba, en me rendant à l’aéroport, je croise deux ou trois camionnettes, peintes aux couleurs nationales, en bleu, avec une étoile, deux petites bandes jaunes et une grande bande rouge qui transportent des passagers en provenance de Masina ou de Kingasani…

Même disparu, Adu Elenga continue de chanter vrai : « Ata ndele mokili ekobaluka ! »…

J’irai

- Mais Butembo n’est pas mon village au Congo, petite chérie ! Si je me chope le choléra, la « fièvre bilieuse » ou le virus d’Ebola… et si je meurs là-bas, dans un autre village que le mien, ce sera de la sorcellerie !

- Et c’est quoi ton village au Congo, douchka ?

- Kisasa, te !

- Je te promets, douchka, que si tu te fais inhumer à Butembo, je viendrai ensuite, au nom de Kisasa, revendiquer un droit foncier sur la terre qui t’aura accueilli !

- Amen !

à Butembo ? Avec

- Tout seul, douchka, tout seul ! Assume !

Muka, alias « Petite Chérie », alias « Tantine Betena », alias « Motema Magique » ?

Mais en attendant de rebondir

- Peut-être !

à Butembo, il faut d’abord que

- Et voilà qu’en faisant mes bagages, je retrouve mes cure-dents… soigneusement planqués au fond d’une poche du sac de mon PC !

- Cure-toi vite les dents, douchka ! Depuis le temps, ton antre doit schlinguer l’égout ou l’avaloir bouché ! Et, surtout n’oublie pas de me ramener un awale pour Marychelo, des nguba pour Honorine, des coupures de francs congolais pour Thierry Jacquemin et du mfumbwa pour Antoinette !

- Et Judith Bisumbu, Rachou « d’Amour » Mpanu-Mpanu, Ben Mavinga, Raymond Suke Nzanga, CésarineBolya, Apo et Marceline Madoki1 n’ont passé aucun commande ?

- Jusqu’à présent, non !

- Encore heureux, petite chérie ! Mais les services de la culture, de l’hygiène, de la banque centrale et de l’agriculture ne risquent-ils pas de me taxer trop lourdement ? Ou, soudoyés par Citronnelle, m’interdiront-ils de quitter le territoire national aussi longtemps que je ne leur aurai pas donné d’explications satisfaisantes quant à la provenance et la destination de mes bottes de mfumbwa ? Et m’assigneront-ils à résidence chez la jeune et jolie princesse jusqu’à son accouchement ?

- Son quoi ?

- Meuuunon, petite chérie ! J’rigole (comme dirait Lianja) !

je rentre à Bruxelles : mon passeport belge (qui me tient lieu également de « portefeuille ») est moite de transpiration et

- Je risque de perdre ma nationalité dans cette aventure ?

menace de se désintégrer.

Un petit coup de froid devrait lui faire du bien, non ? Et Muka, ma seule et « mystique » jeune et jolie princesse, alias « Tantine Betena », alias « Motema Magique », alias « Petite


Et voilà que je me mets

- Ce matin, ce matin, Ah, Ah, Ah ! Nalobi na ye : Petite, kota na ndako ! Petite akoti ne ndako, akoti na ndako ! Nalobi lisusu : Petite, kota na chambre ! Petite akoti na chambre, akoti na chambre ! Nabule lisusu : Petite, longola forme ! Petite alongoli forme, alongoli forme ! Nabule lisusu : Petite, longola kadi ! Petite alongoli kadi, alongoli kadi ! Nasala ye nini ? Saduku ! Ale, matisa ye likolo ! Ale, kitisa ye likolo !

- Arrête, douchka, arrête ! Tu chantes faux ! Tu chantes comme un sango ! Et puis tu danses comme un manche !

à chanter2 et à danser ?


Chérie », a sûrement placé de la bière dans le frigo et m’attend avec impatience à l’aéroport, à la maison, dans la chambre, sous la couette

- Avec Cannabis, petite chérie ?

- Non, il est puni ! Je l’ai remis dans sa cage depuis qu’il a provoqué un court-circuit en rongeant le fil de ma lampe de chevet ! Il y a d’ailleurs perdu quelques poils de sa moustache… Un jour, il mettra le feu à la maison !

- Pas tout de suite ! Qu’il fasse comme le crocodile des étangs d’Ixelles et qu’il attende le retour du beau temps, des décolletés et des minijupes…

ce matin, ce matin, ce matin du 12 janvier 2008…

Et ça me donnera aussi l’occasion de « restituer », pour corrections éventuelles, à tous mes amis, les plus anciens et les plus récents, le présent compte rendu

- Incomplet, partial, infidèle, obscène et paranoïde !

- Evidemment ! Mais musical quand même ?

du voyage dans le temps que j’ai effectué chez eux, avec bonheur, à Kinshasa...

Kinshasa moto… moto !

Serai-je adoubé ou

- Ouais, José, l’ami de Riva, va sûrement lancer une fatwa contre toi et te coller en enfer ! Ou au CPRK, douchka, pour un lavage de « sale bouche » et une rééducation en profondeur ! Ou même, si tu préfères, à la prison de Vuvohi ! Depuis l’évasion de quarante-neuf condamnés à mort (dont les cellules sont toujours libres, j’imagine…), il doit y avoir de la place là-bas, non ? Tu pourras y écrire sur Butembo ! A l’aise ! Et pour t’en sortir, ça n’a pas l’air trop difficile !

- Je vois ça ! Maliq et Filip vont sûrement « coopérer » avec les gardiens… pour qu’on me garde là-bas, au frais, jusqu’en 2009 ! Tant qu’à faire, je préfèrerais encore qu’on m’expédie au CNPP, petite chérie ! On y mange mieux et les chambres y sont plus confortables3, non ? Avec l’aide de Viktor et toutes les relations qu’elle doit s’être faites à Kinshasa, dans différents milieux, Nadine, alias « Vieille Chaussette », alias « Gargamel », alias « La Vilaine », pourrait sûrement m’arranger le truc, non ?

nié ? Devrai-je sûrement revoir ma copie ? Avec un coupe-coupe ou une serpillière ?

1 Le docteur Madoki est une connaissance (sans plus) de Jipéji. Elle s’inquiète de son état de santé et demande à Judith Bisumbu comment « Jean-Pierre de Lannoy » se porte à présent, depuis son accident cérébral…


2 Dans un article intitulé « Le clan Wenge est allé trop loin », commentant sévèrement différents textes de chansons jugées obscènes… et les reproduisant

- Et, bien sûr, douchka, tu te conduis de la même manière !

- Bien sûr, petite chérie, mais sans faire de morale ! Kota na ndako, petite chérie ! Kota na chambre ! Kota, ko !

intégralement… Michel Luka, chroniqueur musical dans « Le Phare » (article paru en date du mardi 18/12/2007… et

- Succès, petite chérie ! On en redemande ! Tout le monde en veut !

paru une nouvelle fois, à l’identique mais avec une photo de Koffi en moins remplacée par la lettre d’« Un père de famille indigné », dans l’édition du vendredi 21/12/2007) fait mine de se poser des questions à propos de « Fuga Fuga Yak’otia », chanson produite par un « jeune Congolais d’en face », qui, déclare le journaliste, s’inspire de ses aînés du clan Wenge : « Est-cela de la musique ? Quelle leçon de morale peut-on en tirer ? » Et notre journaliste de s’indigner, d’admonester, d’inviter les autorités à rééduquer les musiciens : « Il faut leur apprendre des notions élémentaires de la moralité, de la pudeur. La meilleure façon de leur rééduquer, c’est de les envoyer au CPRK. Les autorités du pays doivent rouvrir les portes de la prison à nos stars qui veulent faire de l’immoralité, de l’obscénité, in nouveau style de musique. Imaginez-vous un jeune garçon qui danse le « Ngondo ou le Lidusu » avec tous les gestes devant sa maman. Ou encore une jeune fille en train de tourner ses postérieures avec « Lopele » devant son père. Quelle jeunesse préparons-nous pour notre relève ! O tempora, O mores ! » Eh ouiiii…


3 Et, d’après

- Tu vois bien, petite chérie, que j’ai finalement réussi à le mettre, non ?

- Qui ça ?

- Viquotore !

- Où ça, douchka, dans le bouquin ?

- Teee ! En bouteille !

Viktor, un fin connaisseur des lieux, depuis la rupture de la route de Kindele, il n’y a plus d’embouteillages (les campusards préfèrant passer par Livulu ?) sur la chaussée qui mène au CNPP…