mardi 20 avril 2010

Ecrire à Butembo - Chapitre 4 - Yolo-Nord - C’est quoi ton problème ?

Didier de Lannoy
Butembo
sous-titré On m’envoie écrire ailleurs ! Ici, je dérange trop ? compte-rendu en musique d’un voyage dans le temps, à Kinshasa, 23 novembre 2007 - 11 janvier 2008
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Extraits

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Yolo-Nord

C’est quoi ton problème ?


Pour arriver à Yolo-Nord en venant de chez

- J’ai aussi vu leur fille, Bibiane ! Avant qu’elle n’aille au boulot ou je ne sais où, à pied (ou en hélicoptère, envolée pour ailleurs, partie dans un autre monde ?) ou en taxibus…

Anastase Nzeza et Marie Tumba

- Et j’ai enfin, petite chérie, fait la connaissance d’Anaya qui, sans aucun doute, incarne, pour ses parents, l’avenir du Congo et le refus obstiné et déterminé de toute désespérance…Et je n’ai pas oublié de lui remettre un petit cadeau de notre part à tous les deux !

et en passant par le rond-point Ngaba, on est obligé de traverser, en jeep, prudemment, très difficilement, d’énormes trous

- Ce ne seraient pas ces trous-là, douchka, que des habitants du quartier appelleraient, je ne sais plus… soki « Lacs Kabila », soki « Lacs Gizenga », soki nini… ? Il me semble avoir lu ou entendu quelque chose dans le genre quelque part ou ailleurs, non ?

- Je te trouve très tendancieuse, petite chérie ! Je ne répondrai pas à ta question !

- Faux cul !

- Mais non, petite chérie, mais non… « Tendancieuse », ça veut seulement dire, aujourd’hui, à Kinshasa, que tu es à la mode, que tu es dans le « mouve », non ? C’est mauvais peut-être ?

d’eau boueuse, grands comme des excavations de chantier, creusés en plein milieu de l’avenue de l’Université…

Avenue ex-Monseigneur Six. Avenue Bolobo.

Je dois, absolument, rendre visite à Mama Kulutu, la sœur de Marie-Denise. Maman Kulutu me demande

- Emmanuelle akoli vraiment !

- Emmanuelle ? Nani wana ? Qui c’est ça ?

- Emma, ko! Mwana ya Nadine ! Koko na yo ! Ta petite fille!

- Aaaaaah, Sukina !

des nouvelles de tous les gens de Bruxelles : Marie-Denise, Ana, Anselme, Arnaud, Hortense, Djuna, Carmel, Lianja… Elle est toujours aussi belle et aussi gentille mais, quand on la regarde à la dérobée

- Nadine m’avait pourtant prévenu !

on peut lire une grande lassitude et beaucoup de tristesse dans ses yeux.

Tout le monde habite chez elle. Tout le monde est, d’une manière ou d’une autre, à sa charge. Des fils qui ne font pas grand-chose

- La plupart des filles sont à Paris… Elles envoient de l’argent à leur mère quand elles le peuvent… mais elles ne vivent pas non plus dans le luxe là-bas… et ce n’est pas toujours facile pour elles…

et leurs épouses qui ne font guère plus. Des neveux (les enfants de Noko Fabien ou de Noko Albert, etc) et toute une flopée de petits-enfants (ceux de Clémentine, de José, de NCJ, etc) dont je n’ai pas pu retenir le nom (sauf Jimmy, le fils de NCJ et de Noëlie, le petit frère de Maria). Et même Suke Bola, toujours marié et toujours aussi nostalgique

- Suke Bola me demande des nouvelles de Lita Bembo, ce qu’il fait à présent, s’il s’en sort à Bruxelles, comment il se débrouille…

de l’orchestre Stukas mais toujours au chômage et toujours sans ressources.

- Suke Bola me demande si je compte faire le tour de tous les endroits où j’ai habité ou travaillé à Kinshasa. Je lui réponds que je ferai ça plus tard, dans mon cercueil, avant d’aller au cimetière !

- Même pas ta première maison à Kinshasa, rue de Mpangu, n°16, juste à côté ?

- Même pas ! D’autant plus qu’on m’a dit que la parcelle est à présent, clôturée !

César, alias « Qui Saura », n’habite plus le palais qu’il occupait dans le temps, pas loin de Kapella et de chez Maître Taureau, mais s’est installé

- Quelque part à Kalamu, évidemment, c’est « sa commune » ! Et de préférence à Yolo

- Nord ou Sud, douchka ?

- Yolo-Nord ou dans les environs immédiats, petite chérie ! Chaque quartier est un ghetto, me dit Nadine, une base, un socle… Ce sont des amis, des voisins, des habitudes, des amourettes, des bars, des aventures, des références, une histoire partagée ! On reste toujours fidèle à son ghetto ! A l’extérieur, on n’est plus rien ou pas grand-chose…

dans les environs, au camp Kauka, paraît-il. J’évite cependant

- On a trop bu hier soir, NCJ et moi. On ne va pas remettre ça aujourd’hui en plein après-midi… Je repasserai.

d’envoyer quelqu’un à sa recherche. Et je me retiens aussi d’aller

- Toujours la même parcelle ?

- Toujours ! Mais le 11.12.13 est fermé, depuis le temps, évidemment…

dire bonjour à Evoloko Joker…

Excellente nouvelle. La Tempeta de Oro, certes, n’existe plus (et le Rio de Suba-Suba n’y coule plus, à l’intérieur, pour les saoulards et les ballados du quartier) mais

- Où ai-je donc écrit (récemment !) ça, que Champro était mort ? C’est Asimba Bathy qui nous avait annoncé la triste nouvelle, chez Alain et Françoise… Il avait confondu le King et un autre Champro, sans doute… Bon, un rectificatif s’impose…


Et merde… Je travaille sur un nouveau clavier…

- Chinois… Prêté obligeamment par Jean-Luc Delsemme… (bonjour, Jean-Luc, merci à toi… nous ne nous sommes pas beaucoup vus durant mon séjour… ou même pas du tout… tu m’excuseras, limbisa ngai… mais c’était un point de « méthode » auquel je tenais : je voulais écrire « à » et « sur » Kinshasa sans mettre les pieds à la Gombe… fais-moi quand même savoir que je suis pardonné )…

et je ne trouve pas la touche du point d’exclamation… Va-t-il falloir que je change encore de style et de personnalité… Et que je me familiarise avec le point de suspension… C’est râlant…

Mais ouf ! Voilà que le point d’exclamation est revenu ! « L’autre Marco », le copain de Kako, m’a montré comment faire ! Il suffisait de taper sur la touche du 8 !

Vite, j’en profiiite !!!


Champro-Mitterrand de Monaco, Champro King ! le copain d’Emoro, le voisin de Djo Mali (avant que celui-ci ne parte à Bruxelles) est toujours vivant. Bel et bien et bon vivant.

- Toujours « fringant », me confirme NCJ (ce n’est pas exactement le mot utilisé par NCJ mais c’est tout comme)

On passe devant chez lui. Je ne vois pas le « Champ » à l’extérieur. On

- Passons ! C’est très embarrassant ! Peut-on rendre visite à quelqu’un dont on a annoncé la mort à quelques dizaines (au moins) de personnes ? Doit-on lui présenter des excuses (okosenga ata pardon te ?)… Lesquelles ? Pourrait-il mal prendre la chose ? Souffre-t-il du diabète ? Est-il émotif ? A-t-il le coeur sensible ? Croit-il en ma sorcellerie ?

ne s’arrête pas. Je me dis

- Tu dis toujours ça, douchka…

que je repasserai…

Et voilà.

Je devrais être en mesure, à présent, de donner un premier élément de réponse à une des nombreuses questions que Muka, alias « Tantine Betena », alias « Motema Magique », ne manquera certainement pas de me poser :

- Kinshasa a beaucoup changé, douchka ?

- Sans doute, sans doute (deux à trois fois plus d’habitants qu’avant, on tend vers les dix millions… beaucoup de boutiques, beaucoup d’ateliers, beaucoup de nouvelles constructions, presque plus aucun espace vert entre les différentes communes, beaucoup de voitures et de 4x4, beaucoup de « roulages » qui sécurisent la ville, sermonnent les automobilistes mais, apparemment, ne passent pas leur temps à les racketter1, beaucoup de stations-service, beaucoup de chaînes de télévision, beaucoup de journaux, beaucoup de compagnies d’aviation, une énorme énergie qui commence à s’activer) (mais aussi, me dit-on… beaucoup d’enfants de plus de dix ans qui n’ont jamais été à l’école… beaucoup de jeunes glandeurs qui ne connaissent rien d’autre de Kinshasa que leur quartier-ghetto… et qui, quelquefois, en meute, la nuit, se lancent à l’assaut des « écuries » ou des « clubs sportifs » ennemis, ceux qui contrôlent les territoires voisins … et qui, armés de tournevis et de tessons de bouteilles, interpellent les ivrognes, les sorciers, les poètes, les amants clandestins, les pasteurs en divagation…et les dépouillent de leurs montres, téléphones, chemises, chaussures : « phénomène Kuluna », dit-on) mais moi pas...

- Comment ça, « toi pas », douchka ? Explique !

- Moi, je n’ai pas changé ! Pas mal de gens m’ont demandé mon numéro de téléphone…

- Et alors ?

- A certains d’entre eux, j’ai donné mon numéro, bien sûr… mais celui de Bruxelles pas celui de Kinshasa (Sukina m’a prêté un de ses portables et aussi un de ses numéros d’appel) (et son « jouet » du moment, Brian, n’arrête pas de m’envoyer des SMS, surtout la nuit, quand je viens à peine de m’endormir, oh !). Et j’ai oublié de prendre le leur.

- A qui tu as fait le coup, salopard ?

- Je ne te le dirai pas !

- Tu es toujours aussi dégueulasse, douchka !

- Meuuuuunon… C’était pour rire, petite chérie, évidemment ! J’rigole, (comme dirait Lianja) !

Et Butembo, déjà, jalousement, m’interpelle et me demande ce qu’il (ou elle) devient dans tout ça ?

- C’est ça ! C’est bien ce qu’on pouvait craindre ! On n’aurait jamais dû t’autoriser à faire escale à Kinshasa. Tu te retrouves à Yolo-Nord et déjà tu m’as oublié(e) ?

Mawa vraiment.

1 Changement de mentalité ? Sans aucun doute ! Mais il y a quand même des « poches de résistance »…

On me dit, certes, qu’il n’est pas conseillé de « faire appel à un colonel » pour se tirer des flûtes lorsqu’on est arrêté par des « roulages »… Informé de l’affaire, le général Jean de Dieu Oleko, inspecteur provincial et grand patron de la police de la ville de Kinshasa, n’hésiterait pas, dit-on, à interpeller le colon. Et tout le monde risquerait alors de finir la journée au poste. Et de devoir « s’y expliquer ».

Mais on me rapporte également l’histoire d’un automobiliste dont la voiture se serait ensablée sur une route en très mauvais état, aux environs du site de Kikimi, à une centaine de mètres d’un groupe de policiers, assis sur des chaises en plastique à proximité d’un passage particulièrement difficile… et attendant des « clients »… Les policiers n’auraient fait aucun signe au conducteur pour le prévenir du danger mais

- Changement de mentalité ! Infraction !

lui auraient collé une

- Une chèvre ?

- Non, des dollars ! Entre dix et vingt dollars… Le montant qu’on réclame habituellement au conducteur ou au passager (assis à l’avant) qui aurait négligé de mettre sa ceinture de sécurité.

amende salée… avant de lui « proposer leurs services » pour l’aider à dégager son véhicule… Le « changement de mentalité » prôné par les autorités ne serait pas toujours entendu dans le sens qu’il faudrait ?