mardi 20 avril 2010

Ecrire à Butembo - Chapitre 26 - Les Béjarts et La Crèche - Bompikiriki !

Didier de Lannoy
Butembo !
sous-titré On m’envoie écrire ailleurs ! Ici, je dérange trop ? compte-rendu en musique d’un voyage dans le temps, à Kinshasa, 23 novembre 2007 - 11 janvier 2008

Extraits


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Les Béjarts et La Crèche

Bompikiriki !


Et les Béjarts ?

J’y suis allé, oui ! Et je ne l’ai pas regretté. J’y ai

- J’avais prévenu Bibish, par téléphone : je viens avec un Mundele un peu (beaucoup) voyou, mais je l’aime bien quand même…

- Un peu voyou ? Ça ne ne dérange pas, Vié ! D’ailleurs, dans le style malappris, tu ne te défends pas mal aussi, non ?

entraîné Viktor (qui, pour une fois, ne sortait d’un embouteillage sur la route de l’hôpital de Kintambo). Je ne me suis même pas

- D’habitude, en public, la culture m’emmerde… et le cinéma, la littérature et le théâtre aussi ! Tous les « arts » (sauf le blues, le rap, la salsa et la musique congolaise moderne) me font roupiller ! Et même carrément ronfler ! Ce qui, dans une salle de spectacle est plutôt gênant, tant pour les acteurs que pour le public !

endormi. L’aurai-je voulu, l’un ou l’autre moustique n’aurait sûrement pas manqué de me rappeler à l’ordre…

Et nous avons été

- Charmés ?

- Eblouis !

très très bien reçus, éblouis et charmés. Et Viktor s’est

- Ouf ! Il ne m’a pas foutu la whonte !

très très bien tenu. Et tout le monde a

- « Très, très» … Tu zozotes à présent, douchka ? Tu stresses ou quoi ?

passé une très très bonne soirée…

Et La Crèche, tu l’attaques à présent ?

J’aime les concerts, oui ! Mais je n’ai jamais aimé aller « là où je dois aller ». Alors, je ralentis, je décélère, je tergiverse, je me gratte… Je ne suis jamais pressé de me rendre là où tout le monde

- Qui ça ?

- NCJ, « Qui Saura »…

me presse d’aller et où tout le monde

- Qui ça ?

- Evoloko (il y joue tous les dimanches soir et on l’a déjà prévenu, on lui a dit que j’étais à Kinshasa)… et, peut-être aussi (mais c’est moins sûr) Freddy Tsimba, Riva et Vincent Lombume qui habitent le quartier… Ou Citronnelle (dissimulant une brosse à cabinet, un tuperware de mfumbwa et un biberon de tangawisi dans un sac en plastique) encore ? Danger !

m’attend. Et les gens qui me pressent et m’attendent depuis si longtemps, je leur dois sûrement quelque chose, non ? Et je serai bien obligé de « tenir la forme » (sur base de quelle image ? encore faudrait-il que je me rappelle celle que je leur ai laissée, à chacun, dans le temps ? et ce n’était pas toujours la même ?) et de ne pas les décevoir, non ?

Et puis je connais très bien l’endroit, tel qu’il était, il y a dix-sept ans, et ce n’était

- On préférait le Self ! Et Tonton Mbaki !

pas notre bar attitré, alors, à Muka et à moi…

Bon, alors, tu te décides ? Tu attaques ou quoi ?

On verra, on verra…


Muka, alias « Tantine Betena », alias « Motema Magique », me tanne.

- Et pourquoi tu n’essayerais pas quelques nouveaux bars, douchka ? Ceux où des orchestres se produisent: « Chez Bibi », au dancing-bar « Dekindard » ou à l’espace « Mimy » à Kintambo… tout ça n’est pas très loin de chez Nadine, j’imagine ? Ou au dancing-bar « Compteur à zéro », chez Carmel, sur Dodoma, dans la commune de Kinshasa ? Ou chez Sébastien, à N’Djili, Q.1, là où Bana OK joue tous les vendredis ? Ou même « A la Main d’Or » dans la commune de la Gombe, avec JB Mpiana ? Ou encore à la fameuse kermesse « Katanga Chaleur » qu’on organise d’habitude sur l’avenue Shaba, dans la commune de Kasa-Vubu ?

- Comment sais-tu tout ça ? Qui t’a amenée danser là-bas, Filip et Maliq ?

- Parano, va !

- D’accord, d’accord… Mais ces bars et ces endroits-là, c’est comme Butembo, petite chérie, je ne les connais pas encore ! Je pourrais m’y trouver mal à l’aise… Comme d’habitude, je me pose plein de questions… A quel prix vendent-ils la bière ? Y a-t-il un droit d’entrée ? Citronnelle fréquente-elle ces lieux de sape et d’ambiance (brandissant une brosse à cabinet et cherchant à me barbouiller le visage et à me badigeonner les habits de mfumbwa : « poto-potooo ! » …puis me renversant sa flasque de tangawisi sur la caboche et la braguette et me shampouinant les tifs et le pubis : « yombooo ! ») ? Où se trouvent les toilettes ?

- Demande à « Qui Saura », douchka !

- Oui mais « Qui Saura » sait-il encore, après 15 ans passés en Angola ? Il faudra sans doute que je m’informe ailleurs…


Cette nuit, j’avais décidé de monter au Paradis pour casser la gueule à tous les fouteurs de merde sur la terre des hommes : Dieu, la Banque Mondiale, le FMI, l’OMC, la Monuc, l’Union Européenne, l’Ambassade des Etats-Unis, l’Ambassade de Belgique et toute la communauté internationale. Malheureusement, je n’avais pas choisi le bon jour ni la bonne heure. J’avais choisi le moment où

- Délestage ? Provoqué par les « services », douchka !

- Je n’en doute pas, petite chérie !

les ascenseurs étaient tombés en panne. Arrivé à mi-hauteur de l’immeuble, à court de souffle, je m’apprêtais à renoncer, à faire demi-tour et à redescendre les escaliers… comme Viktor pris dans un embouteillage sur la route de l’hôpital de Kintambo. C’est à ce moment-là que Muka

- En plein sommeil !

me réveille et me passe commande d’un

- Je ne sais pas comment ça se dit en lingala, douchka !

« awale » pour Marychelo, et de

- J’irais bien au « Mate »… demander à Citronnelle, mais…

- Ne me raconte pas d’histoires, douchka ! Tu l’as déjà virée, ton potiron (soki ta gourde, soki ta courgette, soki ta citrouillette) ! Tu l’as zappée et elle t’a barbouillé de poto-poto ! Maintenant tu n’as plus qu’à aller au marché, comme tout le monde, quoi !

mfumbwa pour Antoinette, d’un gros sachet de nguba fraîches pour Honorine et aussi

- En bon argent du Congo !

- Plusieurs petites coupures ou une seule grosse (et, bien sûr, je me garde la différence !) coupure ? Des billets neufs ou usagés ?

l’équivalent de quelques euros en francs congolais pour la collection de Thierry Jacquemin, le neveu de Jipéji…

Sans doute ce rêve signifie-t-il que je n’ai pas du tout envie d’aller à La Crèche où les ascenseurs, depuis plus de dix-sept ans, sont toujours en carafe… comme ceux qui auraient dû m’amener au Ciel ! Me voilà donc tout à fait réveillé. Pas moyen de me rendormir. Mais, heureusement, le courant

- Changement de mentalité !

se rétablit subitement, bien après minuit, à une heure où plus personne ne s’en sert… Sauf moi ! Et je me mets à tapoter, tapoter, tapoter sur mon PC en attendant que le sommeil revienne…

Et Cédric, le petit bonhomme ?

Il continue de passer tous les jours

- Il passe tellement souvent que tu finis par ne plus le voir, douchka ?

- C’est une accusation, petite chérie ?

à la maison…

Et Lolo ?

On attend… On attend toujours…

Mais j’ai fait quand même la connaissance de Prisca, une petite nièce que je ne connaissais pas encore et j’ai revu

- Ça fait longtemps !

Marthe, alias Made, une sœur de Maman Denise, que je connais depuis toujours… mais dont j’avais

- Sans doute parce qu’elle était trop gentille, trop modeste ?

totalement oublié l’existence… et que, pourtant, j’ai immédiatement reconnue !